L’édito d’Odette Bouglione

Un pour tous et tous pour un !

Nous sommes une famille chanceuse. Nous avons reçu, livré sur un plateau d’argent, ce lieu magnifique en héritage. C’est la moindre des choses que de vouloir le conserver, l’améliorer, impulser des changements sans le trahir, le faire vivre et grandir, le valoriser et le partager avec les milliers de spectateurs qui nous font l’honneur d’y venir chaque année. Comme nous sommes fiers d’appartenir à la grande famille du spectacle vivant, toujours en mouvement ! Nous oscillons sans cesse entre le vintage et le renouveau. Entre le traditionnel et le moderne. Un vrai travail d’équilibriste qui nous ravit. Toutes les générations Bouglione l’ont dit et répété : « Le cirque n’est pas que pour les enfants ». Nous sommes respectueux du passé que nous avons vécu et de l’avenir que nous offrirons à nos enfants et à notre public. Et vous l’avez compris puisque vous venez de plus en plus nombreux ! Nous sommes sensibles à cette catégorie de nouveaux visiteurs qui, depuis quelques années, remplissent les gradins. Des jeunes couples, des groupes de trentenaires viennent assister aux représentations entre amis. Les visiteurs étrangers semblent, eux aussi, de plus en plus conquis. Il faut dire que le langage du cirque est universel.

Entre filles, nous surnommons le Cirque d’Hiver « le Cirque des Femmes ». C’est dire si le girl power, ce n’est pas nouveau au sein de la dynastie Bouglione ! Vous ne me trouverez pas souvent dans mon bureau ! Et pourtant, j’ai récupéré et restauré celui de mon grand-père Joseph ô combien symbolique ! Petit clin d’œil à notre histoire familiale. Entre nostalgie et porte-bonheur… Être présidente du Cirque d’Hiver Bouglione, c’est venir plus tôt, partir plus tard, aider aux costumes, jeter un coup d’œil à la piste, foncer dans les loges d’artistes, traduire un document ou un contrat, choisir un goodie qualitatif, made in France de préférence, pour la boutique de souvenirs… et, surtout, savoir s’entourer ! Pour les 5 pôles de l’entreprise (Collectivités, Production, Événementiel, Comptabilité, Billetterie), je peux compter sur une équipe fantastique, constituée d’une dizaine de personnes. J’apprends beaucoup ! Vous connaissez l’adage Seul on ne peut rien, à plusieurs on peut beaucoup ! C’est pourquoi nous conjuguons nos efforts, nos compétences, nos talents artistiques mais pas que… Nous confrontons nos idées. Nous mêlons nos goûts, nos rires et nos rêves, toujours ambitieux. Ici, les décisions sont collégiales. Nous sommes un peu comme les Mousquetaires. Un pour tous et tous pour un. Ensemble, envers et contre tout ! Pour vous !

Odette Bouglione
Présidente

Monsieur Loyal vous
souhaite
la bienvenue !

De la Fantaisie comme jamais au Cirque d’Hiver !

La fantaisie, la féerie, la magie, la poésie, la performance, le rire… sont les maîtres mots de son existence ; c’est l’univers que Michel Palmer s’est choisi depuis 40 ans. Pendant toutes ces années de carrière, il n’a eu de cesse de s’émerveiller devant les artistes circassiens qu’il présente. Pour lui, chaque talent est une fête. Un rêve concrétisé. Un défi relevé. « La vie au cirque ne doit surtout pas être un long fleuve tranquille. Je fuis la routine. Faut que ça bouge ! Casser les codes, se réinventer… Le cirque, comme tous les arts, doit se renouveler, savoir évoluer et c’est précisément ce que fait le Cirque d’Hiver Bouglione ! C’est un lieu mythique chargé d’histoire mais c’est aussi un lieu de remise en question, poursuit-il. Le spectateur doit pouvoir y retrouver ses petites madeleines de Proust, y découvrir de nouveaux artistes, de nouvelles disciplines et y éprouver une large palette de sentiments en gardant dans la tête et dans le cœur des images, des exploits, des sourires, des émotions… ». Pour lui, tout concourt à la magie d’un numéro : un savant cocktail d’exploits, de gentillesse, de générosité, de prouesses, de frissons, de sourires, de costumes improbables, de musiques endiablées.

Pour ce Monsieur Loyal bienveillant et ouvert, la piste est un terrain de jeu infini et multi-générationnel. « Regardez, cette année, le benjamin de la troupe, Antony César, nous propose un numéro d’esthète, d’une immense qualité technique et ô combien actuel ! Il a de qui tenir : sa mère est danseuse chorégraphe et son père, acrobate ». Face à ce prodige de 20 ans, Julot Cousins, sorte de Buster Keaton à la française, démontre que les artistes seniors peuvent nous faire vibrer et sourire ».

Des numéros très forts qui préparent le cirque du futur !

Avec Fantaisie, cette saisonfait la part belle à l’esprit clownesque, au burlesque… « Les univers sont variés, novateurs, les numéros très forts et la performance et la surprise  se conjuguent à merveille », souligne Michel Palmer. Ce qu’il aime par dessus tout ? « Ce mélange des genres, des âges, des univers, des nationalités. C’est ça, le cirque ! En se déclinant sous toutes ses formes, Fantaisie est un millésime très chorégraphié, très joyeux… conclut-il. Si les fantaisistes Mangeurs de Lapin évoqueront les Branquignols à certains, ils s’imposeront, pour les autres, comme les artisans du cirque de demain : celui du XXIe siècle ! ».


Les numéros

© Dominique Secher 2022

Michel Palmer

Monsieur Loyal !

Véritable fil rouge du spectacle, Monsieur Loyal est un modèle d’élégance, de prestance, de connaissances et de bienveillance. Il encourage les artistes, les présente au public, veille à leur bien-être et au bon déroulement du spectacle. Ce maître de maison irréprochable compte bien se laisser gagner par le vent de Fantaisie qui promet de souffler sur la piste cette saison !

© Dominique Secher 2022

Régina Bouglione

et ses poneys

Cette enfant de la balle sait tout faire. Cavalière émérite au port altier, la fille d’Émilien Bouglione est connue pour entretenir une belle complicité avec ses chers chevaux… Il fallait toute la grâce et le savoir-faire de Régina Bouglione pour présenter un numéro attachant où la Fantaisie et la tendresse s’emparent de la piste. À la fois obéissants et espiègles, ses 8 poneys à la crinière superbe feront craquer petits et grands !
Photo F. Dehurtevent

© Dominique Secher 2022

Les Mangeurs de Lapin

clowns

Rien que leur nom de piste donne le ton : ce trio d’artistes français a fait de la Fantaisie son credo. Ils ont la patte des plus grands fantaisistes dans l’esprit du music-hall tel qu’on l’aime ! L’un est à la musique, l’autre joue les maîtres de cérémonie tandis que leur acolyte enchaîne facéties sur facéties. Qu’ils soient juchés sur des éléphants factices, ou parodiant un numéro de bolas, ces irrésistibles potaches passent du rire, à la tendresse, de l’émotion au désopilant.
Photo Coonyang Camera

© Dominique Secher 2022

Jimmy Saylon

grande illusion

Comme son nom ne l’indique pas, cet artiste est italien. Tout, dans le numéro de Jimmy Saylon, est pure Fantaisie : costumes, lumières, atmosphère, musique, scénographie… Il a su créer un univers fantasmagorique que ne renierait pas Tim Burton ! Il nous invite à voyager dans un monde d’illusions où, bien sûr, il y aura une belle à délivrer de sa cage ! Pas étonnant que Jimmy ait reçu l’Éléphant d’Or au Festival International de Gérone en Espagne !
Photo François DEHURTEVENT

© Dominique Secher 2022

Lucía Martdaz

cerceau aérien

Cette artiste de renommée internationale réussit un tour de force : apporter une Fantaisie inouïe à ce numéro de haut vol ! Elle revisite une des disciplines phares du cirque. Avec son cerceau, la jeune Cubaine réinvente l’art de s’enrouler autour de cette roue qui fait figure de partenaire à part entière. Lucía danse et évolue sur la piste avec une grâce infinie et s’envole au faîte du chapiteau comme par magie !

© Dominique Secher 2022

Antony Cesar

sangles aériennes

Il subjugue tous les publics, professionnels et néophytes, toutes frontières confondues. Issu d’une famille circassienne, ce gamin de vingt ans conjugue poésie et Fantaisie sur la piste et redonne aux sangles aériennes une réelle magnificence. Artiste, acrobate, gymnaste, danseur, Antony est un prodige qui a su ravir le cœur des membres du jury de La France a un incroyable talent en 2020 ! Avec ses sangles, cet éphèbe se hisse au firmament du chapiteau. Près des étoiles, c’est sa place légitime !

© Dominique Secher 2022

Duo Vitalys

main-à-main

Ce duo de copains vient du Pérou. Pablo et Joel, issus de la gymnastique sportive, ont reçu la Médaille d’Or au 15e Festival International de Cirque de Albacete en Espagne cette année. Les aficionados des numéros d’exception ont pu apprécier ces deux artistes dans Le plus grand cabaret du monde. À la puissance et l’audace s’ajoute la Fantaisie. Pablo et Joel ont su repenser un grand classique de la piste et tutoient ainsi l’excellence !

© Dominique Secher 2022

Julot Cousins

mât oscillant

Si Antony Cesar est le benjamin du spectacle, Julot Cousins, lui, est le senior le plus déjanté de la troupe ! La belle soixantaine, souple comme un chat, Julot est l’incarnation même de la Fantaisie. Comme si être installé sur un mât oscillant ne suffisait pas, l’acrobate propose un hula hoop endiablé à quelques mètres du sol. On ne peut s’empêcher de penser à Buster Keaton suspendu à son horloge en contemplant les prouesses de ce sexagénaire intrépide !

© Dominique Secher 2022

Pavel Valla

monocycle à grande hauteur

Dans la famille Pavel, on demande Valla, artiste de la 5e génération ! Perché sur son vélo géant et sans guidon, il pourrait se contenter d’enchaîner les tours de piste. Mais c’est sans compter sur son incorrigible Fantaisie ! Les amoureux de la petite reine seront épatés de le voir grimper des marches sur sa drôle de monture ! Il a commencé à dompter le monocycle dès son plus jeune âge, ce qui explique son excellence ! Né en Angleterre, l’artiste vit en Espagne et cultive ses origines tchèques.

© Dominique Secher 2022

Jump’n’Roll

échasses et bascule

Ils s’appellent Kirill, Ruslan, Vitalii et Dimitri et ont fait de la Fantaisie leur credo. L’âme slave de ces quatre garçons dans le vent va embraser le Cirque d’Hiver. Pour leur 1er numéro, les voilà en habits zébrés, juchés sur des échasses, en train de sauter à la corde, de jouer à saute-mouton et d’enchaîner les sauts arrière et avant. De vrais zébulons montés sur ressorts ! Pour leur numéro final, ils optent pour un look et des costumes très rock et transforment la piste du Cirque d’Hiver Bouglione en piste de… danse. Rythmes endiablés et prouesses d’exception pour ces acrobates qui surfent comme personne sur leur planche coréenne et se propulsent à tour de rôle tout en exécutant saltos, vrilles… La discipline a été inventée par des artistes nord-coréens. Les Jump’n’Roll ne vous laisseront aucun répit !

© Dominique Secher 2022

Lena Smaha

jonglerie horizontale

Venue de République tchèque, cette artiste est une surdouée de la jonglerie. La preuve : Patrick Sébastien l’a emmenée en tournée avec lui pour la saison 2021-22. Lena évolue sur la piste en accueillant et renvoyant des ballons rouges que l’on dirait incandescents ! Gracieuse et élégante, la jeune femme nous apparaît comme une vraie magicienne ! Ces boules lumineuses semblent danser et virevolter dans les airs comme par magie. Elle a su insuffler de la Fantaisie à cette discipline.

© Dominique Secher 2022

Le Grand Orchestre

de Pierre Nouveau

L’orchestre est la colonne vertébrale d’un spectacle circassien ! Il met en valeur prouesses, défis et performances artistiques et accompagne chaque artiste avec une palette infinie de tempos. Et pour cela, Pierre Nouveau mène ses 9 musiciennes et musiciens à la baguette ! Ils font tous preuve d’un vrai talent d’adaptation pour restituer les ambiances et les émotions, illustrer la dramaturgie ou souligner la Fantaisie de chaque numéro !

© Dominique Secher 2022

Les Salto Dancers

Ballet

Les spectacles du Cirque d’Hiver-Bouglione ne dérogent pas à la tradition ; ils font la part belle au corps de ballet. Les Salto Dancers, qui incarnent la beauté et la danse, émerveillent avec leurs chorégraphies inédites et magistralement exécutées. Ces 2 garçons et 6 filles, venus de Belgique, du Brésil, des USA mais aussi de France, donneront envie aux spectateurs de céder à la Fantaisie !


Interviews

Non-déjantés s’abstenir !

Mangeurs de Lapin : Sigrid

Et voilà que déferle sur la piste du Cirque d’Hiver Bouglione une troupe déjantée qui pousse la Fantaisie à son paroxysme. Les amoureux de l’absurde, les amateurs de poésie décalée, les inconditionnels du burlesque revisité et les aficionados des Monty Python vont être comblés ! Sigrid La Chapelle, directeur de la compagnie Les Mangeurs de Lapin, nous décrypte son univers…

L’appellation Les Mangeurs de Lapin, ça vient d’où ?
Ah ! C’est tout une histoire ! D’abord, c’est un titre absurde qui correspond bien à l’univers que nous défendons tous les trois. La racine de ce qu’on présente au public puise dans la culture anglo-saxonne. Cela reflète notre formation chez Jacques Lecoq. Ensuite, le lapin est un animal symbolique à bien des égards. Il attendrit les petits car il est présent dans l’imaginaire enfantin. Il incarne la gourmandise quand il se métamorphose en lapin de pâques en chocolat. Lorsqu’il devient bunny, il est indissociable de la pin-up. Il est aussi le partenaire privilégié du magicien, le trublion qui fait tourner les clowns en bourrique. Il ne faut pas oublier que les clowns sont là pour mettre un joyeux bazar ; ils n’hésitent pas à manger le lapin du magicien ! Pour de rire. Quand on prononce Les Mangeurs de Lapin, il y a un petit côté voleur de poules aussi. Les traditions au théâtre, héritées de la marine, considèrent le lapin comme un porte-malheur ! Et manger ce qui porte malheur est une façon de conjurer le sort.

Et vous-même, vous mangez du lapin ?
Oui. J’adore cuisiner tout court et cette viande en particulier. J’en faisais beaucoup quand les copains venaient dîner après les répétitions ou les séances de travail. Et chaque fois, j’avais droit à « Ah ! Le mangeur de lapin… »

Comment devient-on artiste de cirque ? Par vocation ? Par filiation ?
Par passion et par défaut aussi. La société m’a exclu et m’a poussé dans cette voie. Quand on n’est pas comme les autres, on finit par arriver… là ! Mes parents étaient ouvriers à l’usine, alors on oublie l’enfant de la balle. Ado, j’ai suivi un stage d’été chez Fratellini avec Pierre Etaix. Mais quand on est jeune, on ne sait pas que c’est un métier. Personne ne vous le dit ! J’ai réalisé que j’étais bien dans ce monde. Et à force de s’amuser, le talent peut venir… Je n’ai pas choisi ce métier d’artisan pour être une vedette, mais pour remettre des clowns sur la piste. Je me bats depuis 20 ans pour développer un projet et un univers.

Quand s’est produit le déclic ?
C’est bien simple : ma vie a commencé quand j’ai arrêté l’école ! Trois mois avant le bac -que j’ai tout de même passé-, j’ai démissionné pour mettre fin à 18 ans de souffrance. Je voulais me débarrasser de tout ce qui ne m’intéressait pas. Le sentiment de culpabilité a duré jusqu’à ce que je franchisse le portail du lycée. Je ressentais le besoin de comprendre, j’étais curieux, je voulais tout décortiquer… Comme mon grand-père qui démontait tout ce qui lui tombait sous la main. À Noël, les cadeaux que je recevais, enfant, finissaient démontés intégralement. Si je ne les remontais pas illico, je me faisais engueuler !

Dans votre trio, qui fait quoi ?
Nous sommes des acteurs/auteurs qui avons décidé d’écrire pour les clowns. En termes de dramaturgie, l’écriture à trois multiplie les possibilités. Former un trio est génial, ça permet les contre-masques. Autrement dit, un jour on est chef et un autre, victime.
On reste quand même trois Auguste avec chacun son caractère, son architecture interne mais parmi les Auguste, il y a une hiérarchie. Dans le milieu du cirque traditionnel, nous passons un peu pour des intellos alors que, dans le milieu du théâtre, c’est complètement l’inverse. En fait, nous sommes des chercheurs qui dépiautent, creusent, analysent… et essaient de trouver !

Présentez-nous vos acolytes !

Jean-Philippe Buzaud est un peu notre Monsieur Loyal. Il a un parcours de comédien. Son talent d’acteur est rare. Nous nous sommes rencontrés grâce à notre passion commune du cirque, mais ce que j’aime chez lui, c’est sa folie jusqu’au-boutiste ! Je vous donne un exemple : il a décidé de se mettre à la guitare. Il a tellement bossé que maintenant, il EST guitariste !  Quant à Dominic Baird-Smith dit Dom Dom, il est le contre-pitre du trio. Il a un côté Harpo Marx. Issu du sport, il a été prof de tennis, d’où son numéro international de jongleur de raquettes. Dom Dom a suivi les cours du prestigieux Italo Medini. Avec son côté étourdi, il me rappelle le personnage de M. Hulot créé par Jacques Tati. Son père est écossais et c’est pour cela que vous le verrez sur la piste en train de jouer de la cornemuse vêtu d’un kilt ! Kilt fabriqué en Écosse exprès pour lui, of course !

Qu’est-ce qui vous motive, vous et vos complices ?
Avancer, progresser, innover, nous améliorer, nous amuser, trouver le juste rythme. Le rire est une mécanique, question de tempo ! Et notre spectacle est comme la vie : c’est de la musique. Comme Lecoq me l’a enseigné, je cherche le fonds poétique commun de l’humanité dans toutes mes activités. Que ce soit dans ma vie d’artiste ou ma vie privée, je tente d’atteindre l’Everest. D’ailleurs, j’ai demandé ma femme [Heejin Diamond, contorsionniste issue de Mongolie. NDLR] en mariage en haut de la tour Eiffel ! La cérémonie pour son obtention de la nationalité française a eu lieu au Panthéon, en présence d’un ministre et de la garde républicaine. Alors, vous voyez, je vise haut !


L’École internationale de théâtre Jacques Lecoq, créée en 1976.

Son fondateur, Jacques Lecoq, aimait bien dire : « C’est une école de création ». Pour moi, l’école Lecoq, c’est un large spectre de pédagogie. Un théâtre physique où l’on apprend le silence, totalement à l’opposé de ce que propose le Cours Florent qui privilégie le texte avant tout. Là-bas, pendant la première année, on ne parle pas, on se concentre sur un travail corporel. On travaille à 2, à 6, à 20 mais jamais seul ; c’est véritablement une école de troupe. À la fin du cycle -deux années- le comédien peut proposer un travail personnel en solo.
C’est aussi une école d’écriture ; on nous apprend à écrire et à structurer des scènes courtes. Le lundi, un thème de travail est proposé et on assure une représentation publique le vendredi. L’établissement accueille une trentaine de nationalités chaque année. Le langage universel, c’est le langage du corps ! Les Lecoquiens se retrouvent et se reconnaissent à l’autre bout de la planète simplement à leur manière d’être et à leur discrétion. Quand on sort de ce cursus, on s’est souvent fait casser, alors, on ne peut se montrer orgueilleux ! Avant d’être pédagogue et de se mettre au service du théâtre, Jacques Lecoq était prof de sport et kiné, ce qui explique son enseignement basé sur le corps, le mouvement et le mime.


Le Rire Médecin : « Un engagement pour donner du sens au travail de comédien »

Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli ! –Victor Hugo

Humilité et générosité sont deux mots qui vont très bien ensemble. Comédiens, humoristes, artistes de cirque et autres fantaisistes le savent. Il ne suffit pas d’aller faire risette dans les chambres des petits malades hospitalisés pour des pathologies plus ou moins graves, histoire de se donner bonne conscience. « C’est un vrai chemin, une philosophie de vie, confie Sigrid, membre depuis 12 ans du Rire Médecin. Et Jean-Philippe Buzaud depuis 30 ans.

J’ai pris cet engagement pour donner du sens à mon travail de comédien. On n’intègre pas cette association si facilement ! Et encore moins pour se mettre en avant ou faire sa promo. C’est un vrai boulot. Et pour le faire bien, on est formé à cela. Caroline Simonds, la fondatrice, est très exigeante et elle approche beaucoup d’artistes transfuges de l’école Lecoq. Il nous faut beaucoup travailler et je vous garantis qu’il y a du niveau ! » Les membres sont invités à suivre des formations médicales mensuelles. Accompagner des soins palliatifs, ça s’apprend ! L’enfant n’est pas seulement spectateur. « Pour nous, les clowns, il est aussi le metteur en scène de ce moment privilégié. En fonction de sa réaction, le binôme de clowns venu le distraire, s’adapte. Le clown est là pour remplir son rôle : il prend des bides, il protège le petit malade qui peut s’identifier. Mais ce n’est pas sans danger, souligne Sigrid, on doit gérer des émotions, et des cellules psychologiques sont mises en place à cet effet. Quand on s’engage dans ce parcours, on sait que l’on va vivre avec des fantômes…  Mais il y a de belles récompenses : on crée des liens avec les familles et on suscite parfois des vocations de clown ».

Je suis un fantaisiste clownesque

Julot Cousin

Le Cirque est, par essence, un vivier de talents international. Mais pour le millésime 2022-23, le Cirque d’Hiver Bouglione fait la part belle aux artistes Made in France. Rencontre avec le senior de l’affiche, Julot Cousins. 40 ans de carrière au compteur et la passion toujours intacte.

On pense inévitablement à Buster Keaton, suspendu à son horloge, en admirant votre numéro !
Il y a cependant une différence majeure entre nous : le sourire ! Sur piste, je fais partie des artistes qui ont à cœur et envie de faire connaissance avec les spectateurs. J’ai besoin de ce contact quand j’entre ou sors de la piste. Cet échange me nourrit, me donne de l’énergie et me renvoie du bonheur. Je travaille beaucoup sur cette connexion qui, pour moi, est vitale.

Vous êtes le senior de la troupe et vous vous baladez à des hauteurs vertigineuses. Le public tremble pour vous !
Oui, de là-haut, j’entends des Oh !, des Ah ! Des rires et des silences, un mélange de peur -que je ne cherche nullement à provoquer- et de joie. Tant que je peux le faire, tant que mon corps suit, je continue. D’ailleurs, je ne me suis jamais blessé. Si vous saviez comme c’est amusant d’être suspendu à un mât oscillant ! On crée du rêve. Je ne m’en lasse pas ! Dans ce numéro d’équilibriste, il y a, bien sûr, une prouesse physique mais aussi et surtout de la tendresse, de la poésie et de la sensibilité.

Comment vous définiriez-vous ?
J’ai l’esprit clownesque sans être un véritablement un clown. Je réalise un exploit irrationnel. Je me définis comme un excentrique. Un fantaisiste. En fait, je suis un fantaisiste clownesque !

Vous êtes un enfant de la balle ?
Pas du tout ! Je suis issu d’une famille « normale », autrement dit pas artiste. Tout est venu grâce à Gérard Vigne [Né dans une roulotte. NDLR], un artiste issu d’une famille circassienne. J’ai fait des stages de cirque avec lui ; il m’a donné l’amour de ce métier. Très influencé par le cirque traditionnel, j’ai aussi pu acquérir une expérience dans le spectacle de rue.

Pourquoi avoir choisi ces prénom et nom ?
Jules était mon surnom quand j’étais maraîcher. De Jules, je suis passé à Julot. Et Cousins, ça vient de mes débuts. Avec deux amis, Lolo (jongleur) et René (clown de reprise), nous avons formé un trio dans les années quatre-vingt-dix. Parmi beaucoup d’artistes avec qui on a travaillé, on entendait souvent dans la conversation : « Untel est un cousin » ou alors « Untel est le cousin de ma femme ». Les Cousins est naturellement devenu le nom de notre compagnie. On s’est appelés ainsi en hommage au monde du cirque dans lequel on baignait en permanence.

Vous vous produisez en solo, désormais !
Oui, après 20 ans passés avec Les Cousins et 60 pays visités en tournée, les centres d’intérêt ont changé au fil des années. L’envie de travailler ensemble s’est émoussée. Chacun voulait évoluer artistiquement et c’est légitime.

Des références, des modèles, des idoles ?
À mes débuts, j’allais voir ce que faisaient les grands cirques (Zavatta, Knie, Krone, Roncalli, Gruss, Fratellini) mais aussi les petits. Et c’est cette culture qui a façonné mon expérience. Vous savez, hormis l’école Gruss et l’école Fratellini, il y avait peu de choses… Moi, je m’entraînais chez Fratellini. On y rencontrait plein d’artistes… On était très influencés par le cirque traditionnel ; c’est ce qui me motive toujours beaucoup.

Comment est né votre numéro où vous mêlez mât et hula hoop ?
J’étais déjà tombé amoureux du cirque quand j’ai regardé une vidéo de Fattini. Son numéro avait inspiré Jean Marais qui l’avait repris pour le gala de l’Union des artistes en 1959. Ce numéro m’a toujours fait rêver. Avant, je faisais un numéro d’équilibre sur des rouleaux. C’est mon truc, l’équilibre ! Après j’ai eu envie de faire du hula hoop, une discipline plutôt féminine ; il faut dire que j’avais vu le numéro d’une artiste russe très inspirante, Dina Kasieva. Quand je me suis retrouvé en solo, je me suis dit : « Pourquoi pas faire le mât avec du hula hoop ? » C’était pour moi l’occasion de marcher dans les pas de Fattini sans le copier mais en créant quelque chose de nouveau.

La transmission va-t-elle opérer avec votre fille de 14 ans ?
Elle possède une vraie fibre artistique. Elle aime le théâtre, la danse. Sa maman est costumière. Se servira-t-elle de tout ça pour en faire son métier ? Il est trop tôt pour le dire !

Fouler la piste -façon de parler car vous évoluez tout de même à 9 mètres du sol,- du Cirque d’Hiver, c’est une consécration ?
Je n’emploierais pas le mot consécration. J’avais déjà eu la chance de faire 5 ou 6 galas avec Joseph Bouglione et Christiane Bouglione. Mais intégrer le spectacle Fantaisie, je considère ça comme un bonheur, un privilège, une chance.

Visiblement, vous n’êtes pas près de redescendre sur terre !
J’ai appelé ma société Fait beau là-haut ? Ça veut tout dire ! C’est la question que beaucoup de gens se posent. Et la réponse est : cent fois oui !

L’enfant de la balle aux 14 médailles d’or

Antony Cesar

« J’ai brûlé les étapes ! »

À 20 ans, cet artiste prodige, enfant de la balle, remporte tous les suffrages. Antony Cesar a beau être le benjamin de la troupe, il a un parcours sans faute ! Le « gamin », comme l’ont surnommé les membres du jury de La France a un incroyable talent, représente la 5e génération de la famille Cesar. Rencontre avec l’excellence.

Diriez-vousals que votre audition pour La France a un incroyable talent a été un tremplin ?
Carrément, oui ! Quelle magnifique occasion de pouvoir montrer mes valeurs de danseur, d’artiste de cirque mais pas que ! Le golden buzzer d’Hélène Segara n’est pas passé inaperçu ! Cela m’a vraiment propulsé et aidé à trouver des contrats. J’ai eu plein de propositions aussitôt après la diffusion du programme…

L’an dernier, vous avez brillé dans un Festival de cirque italien !
J’ai participé à la première édition de ce Festival. Ce n’était pas facile car tous les artistes devaient exécuter leurs numéros sur des musiques classiques. Il fallait s’adapter. J’ai trouvé très intéressant de proposer quelque chose de différent. Et j’ai remporté le Circus Award. L’International Salieri Circus Award ! C’est d’ailleurs ce qui a convaincu Joseph Bouglione de m’engager pour Fantaisie. Il me connaissait ; nous avions déjà été en contact mais il attendait que je sois plus mature et prêt artistiquement.

À 20 ans, être à l’affiche du Cirque d’Hiver, quelle consécration !
C’est vrai. Mon père m’avait dit que pour se faire connaître du milieu, il fallait 5 ans. Moi, j’ai brûlé les étapes ! J’imaginais peut-être un jour arriver là ! J’en rêvais car toute ma famille a foulé la piste du Cirque d’Hiver Bouglione, mais je pensais qu’il fallait être plus vieux, plus expérimenté… Je suis encore jeune ; je commence seulement ma carrière, mais ce parcours est « normal » pour un enfant de la balle !

Vous venez d’une famille circassienne ?
Oui, je suis la 5e génération de la famille Cesar ! Du côté paternel, tout le monde était artiste. Mon oncle faisait la bascule russe. Mon père était équilibriste. Ma mère était danseuse au Moulin rouge. Un cousin présentait un numéro de perche. Ma grand-mère était porteuse. C’est elle qui portrait son mari dans le numéro. C’est rare, d’habitude, c’est l’inverse. Mon grand-père Armand montait sur le mât à 8 mètres de haut… sans longe ! Je peux dire que j’ai eu la belle vie. Jusqu’à mes 6 ans, j’ai mené une vraie vie de saltimbanque en caravane à travers toute l’Europe. Quand j’étais petit, je parlais quatre langues !

Petit garçon, vous rêviez d’exercer quel métier ?
J’ai pensé devenir vététiste. J’étais nul en classe et je me consacrais beaucoup trop au sport au goût des profs. J’ai peu apprécié d’être traité de « sale clown ». La phobie de l’école a pris le dessus et j’ai dit à mes parents : « Stop ». J’ai gagné pas mal de compét’ de gym en individuel… J’ai été jusqu’au championnat de France. Et parallèlement, je faisais de la danse ; j’ai participé à tous les concours internationaux. J’ai raflé 14 médailles d’or à l’âge de 15 ans. Et c’est à cet âge que j’ai réfléchi à mon avenir. Je me suis dit que j’avais peut-être un petit truc ! Dans ce métier artistique, les gens se respectent et il y a du partage : c’est ce qui me plaisait.

Alors, vous vous êtes senti obligé de marcher sur les traces de vos parents ?
Avant, c’était presque obligatoire dans les grandes familles circassiennes. On avait mis mon père en garde quand il était tout jeune : « Ne fais pas ce métier, c’est très dur, tu peux te blesser et si tu ne fais pas d’études, l’avenir sera plus qu’incertain… » Il a quand même décidé de devenir artiste. Il m’a posé la même question. Jusqu’à mes 7 ans, j’ai fait beaucoup de foot puis ensuite j’ai découvert la danse et la gymnastique artistique grâce à ma grand-mère, circassienne elle aussi.

Et, à 16 ans, vous voilà inscrit à l’école nationale de cirque à Montréal !
Oui, j’ai appris le b.a.-ba des sangles, mais j’étais mineur. Impossible d’échapper au cursus scolaire. Je suis dans la meilleure école du monde et je dois encore faire des études ! Du coup, je préfère rentrer et poursuivre mes entraînements tout seul ! C’est tout de même là-bas que j’ai trouvé cette spécialité des sangles dont je suis littéralement tombé amoureux.

Vous dites que vous êtes un autodidacte !
C’est vrai. J’ai appris la base des sangles tout seul. J’ai cherché par moi-même pour atteindre un top niveau que je n’avais pas. Sans me blesser, en respectant mon corps que je ne devais pas maltraiter. Mon père m’y a aidé pendant deux ans mais personne dans notre famille n’est un aérien. C’était donc un vrai challenge. Une nouveauté. Une découverte. Pour mes débuts, on est allés acheter des cordes et des poulies chez Casto ! Je me suis fait traiter de « malade » mais le matériel et moi, nous avons survécu ! Les sangles, c’est très physique, j’avais les jambes lourdes à cause de la gym.

Sur scène et sur piste, vous êtes particulièrement à l’aise !
Oui. C’est le seul endroit où je me sens bien. Je suis à ma place. Sur une scène, je peux m’exprimer et avoir une réponse sincère. Dans la vie, c’est autre chose ! Je suis timide et souvent en mode stress.

À 20 ans, doit-on faire une croix sur les copains pour s’entraîner ?
Un peu. Ils ne comprennent pas toujours qu’il faut de la rigueur pour faire un métier qui n’a pas l’air d’en être un. Pendant les vacances, je faisais 3 heures de sangles le matin et 3 heures de danse l’après-midi. Quand ils me proposaient de sortir, je refusais souvent… Mais je sais qu’ils sont fiers de moi.

Et vos parents ?
Ils ne montrent pas trop leurs sentiments. Chez nous, on reste focus sur le numéro, le travail, la performance.

Comme voyez-vous le futur ?
Je vais me laisser vivre et porter par tout ce qui m’attend. Je voudrais tout tester, tout connaître : la danse contemporaine, les compagnies de cirque contemporain et traditionnel, le cabaret… Jouer à New York, à Sydney, à Dubaï et sur toutes les scènes du monde : c’est mon rêve. J’adore changer d’univers. La routine n’existe pas dans notre métier.


Portraits de famille

Dans la famille Bouglione, on demande…

Derrière chaque « grand homme » se cache une femme. L’inverse est également valable. Si la famille Bouglione a toujours travaillé en osmose entre cousins, frères et sœurs, oncles et tantes, parents et enfants, elle a aussi réparti la tâche en misant sur les couples… Harmonie+confiance=efficacité.

Sandrine et Thierry

Sandrine épouse Thierry en 1984

Fille du patriarche Sampion Bouglione et d’Anna Ringenbach, issue elle aussi d’une famille circassienne, Sandrine épouse Thierry en 1984. Le couple a longtemps présenté un numéro époustouflant de fauves dans le monde entier. Quitter la piste, oui, mais pas question de ne plus s’investir dans l’entreprise familiale. « Ce serait un crève-cœur ! », confie Sandrine. Présidente de la S.A. Cirque d’Hiver, elle supervise également l’équipe d’entretien, s’occupe du bar de l’Impératrice et veille à l’accueil du public. Toujours heureuse d’être utile, d’être là. Thierry confirme : « Au cirque, il faut savoir tout faire, sans ego, sans paillettes ». Directeur commercial du Cirque d’Hiver et directeur technique des tournées, il règle tout « comme du papier à musique ». Non sans humour, il affirme : « Le cirque est le seul métier que je connaisse qui permet de commencer très jeune et de terminer vieux, sans se poser la question de la reconversion ». Leurs enfants, Sampion et Victoria, excellent respectivement dans la danse de claquettes et le jonglage, et le hula hoop. Leurs petits-enfants, Sampion-Anton, 10 ans, et Leone 2 ans, marcheront sans doute sur les traces de leurs ancêtres !

Alexia et Francesco

En couple depuis 10 ans

Le mannequin et le directeur administratif du Cirque d’Hiver mènent de front la vie circassienne et la vie de jeunes parents. « Enceinte, j’ai eu la chance de pouvoir exercer mon métier pour des marques. Vito, notre fils de 2 ans, est inscrit en agence publicitaire. La petite dernière, Gina, 3 mois, est encore trop petite pour poser avec sa maman ! ». Trop tôt aussi pour dire si leurs enfants embrasseront des carrières artistiques ! « Mais, souligne Alexia, à 1 an, Vito était sagement assis dans la salle fasciné par le spectacle ». Francesco, fils du patriarche Sampion Bouglione, est déjà papa de Dimitri, 20 ans, et de Anastasia, 13 ans, nés d’une première union. Pour ses aînés, Francesco ne veut pas forcer le destin : « Dimitri est déjà garçon de piste, mais prépare un master en commerce international. Aujourd’hui, les gens de cirque doivent avoir un bagage mais encore faut-il savoir où poser son bagage ! ». Alexia et Francesco gèrent aussi des concessions de restauration et développent des projets artistiques, notamment l’exposition La lanterne lumineuse, à Bordeaux de novembre à décembre 2022.

Florence et Nicolas

Ils se sont connus il y a 37 ans

Ex-secrétaire de direction dans une société d’import-export, Florence a fait une pause pour élever leurs deux enfants, Alexandre, 26 ans, et Francesco, 22 ans. Sa devise ? « Au Cirque d’Hiver, on a besoin de tous les corps de métier ». Alors, elle a choisi de mettre ses compétences au service de sa belle-famille : assurer la gestion du bar, de la boutique de souvenirs, du stand confiserie et plus si affinités… Quant à son mari, Nicolas, homme de terrain polyvalent par excellence, il est sur tous les fronts. Responsable des achats, imbattable en ce qui concerne l’infrastructure, il gère avec sa femme les concessions. Et quand il faut s’approvisionner en pneus pour le parc automobile, par exemple, c’est lui qui est sollicité. « Tout est décidé et fait en fonction de l’intérêt du Cirque. Chez nous, tout doit être haut de gamme et rien n’est impossible ». Si Alexandre a appris le métier de jongleur et volontiers secondé son père pour les tournées, Francesco, lui, a intégré des clubs de basket prestigieux !

Soffia et Joseph

Soffia a longtemps été danseuse dans le corps de ballet du Cirque d’Hiver. Si elle a pris un peu de recul pour se consacrer à son nouveau métier de kinésiologue, elle n’a pas pour autant tiré sa révérence. La jeune femme possède de multiples talents, notamment celui de chanteuse. Et ce n’est plus sur la piste que le public peut l’applaudir mais au micro, là-haut, devant le Grand Orchestre lorsqu’elle interprète des standards du jazz, entre autres. Son mari, Joseph, fils d’Émilien Bouglione, l’accompagne à la trompette. Il a jadis été fil-de-fériste et a présenté des numéros équestres, comme son père. Aujourd’hui directeur artistique du Cirque d’Hiver, il poursuit parallèlement une prestigieuse carrière de metteur en piste à l’international. À 11 ans, leur fils Juliano vient d’entrer en 6e au collège Rognoni, plus connu sous l’appellation d’École des enfants du spectacle. « Il a véritablement un goût pour la piste, souligne sa maman, qui avoue devoir mettre le holà. Si on l’écoutait, il voudrait tout faire ! » Juliano joue déjà de la batterie, de la basse, fait de l’acrobatie. Il aime les cours d’EPS et d’histoire-géo mais regrette de ne pouvoir commencer le japonais ! Un show-man né qui s’intéresse à tout !

Régina

Savoir tout faire ou presque avec le sourire

Cela pourrait être la devise de Régina Bouglione. Si elle donne l’impression de faire cavalier seul, il n’en est rien ! Il est impossible de dresser une liste exhaustive de ses compétences qu’elle met au service de sa sœur, de ses frères, cousins, neveux… « J’évolue dans le plus beau cirque du monde, je peux porter des belles robes, rencontrer plein de personnes, croiser d’autres cultures, apprendre tous les jours… J’ai conduit des camions, je me suis occupée d’animaux… Je peux travailler en piste, être très féminine et, juste après ou avant, m’asseoir au volant d’un poids lourd. Et j’aime ça ! Répéter me plaît. M’occuper des costumes me plaît. Accueillir le public me plaît, servir au Bar de l’Impératrice à l’entracte me plaît. Et si, demain, je dois nettoyer le Cirque d’Hiver, ça me plaira tout autant. Au cirque, on vit plusieurs vies, c’est extraordinaire. On exerce plusieurs professions sans jamais céder à l’ennui. » La fille d’Émilien Bouglione a prouvé qu’elle était digne de sa prestigieuse filiation. Cavalière émérite, Régina avoue que tout l’enchante : « Sauf la bureaucratie, je la laisse volontiers aux garçons de notre famille ! ».

Marion et Louis Sampion

Après le Conservatoire de danse de Paris, dès ses 17 ans, Marion décide de présenter des numéros équestres, mais elle a aussi goûté à l’aérien, en duo avec sa meilleure amie. Fille d’artiste (son père est musicien et sa mère s’est illustrée sur les pistes de cirque quelques années), Marion a pris du recul « pour m’occuper de nos deux enfants et suivre une formation en puériculture ». Louis-Sampion, fils d’Émilien, supervise la Communication du Cirque d’Hiver et veille à la pérennité du patrimoine culturel circassien. « Sur 700 m², des milliers d’objets (tableaux, photos d’époque, jouets, dessins, costumes d’artistes, maquettes de camions et de chapiteaux, livres, etc.), dont certains remontent à 1880, attendent qu’enfin l’on puisse ouvrir un musée dédié à cet art ! Cela couvre les 80 dernières années sur 4 générations ! ». Angelina, 12 ans, collégienne en 5e à Rognoni, et Louis, 9 ans, adorent saluer pendant le final sur la piste dans leurs flamboyants costumes rouge et or à brandebourgs. « Angelina a hérité de ma passion pour la danse, souligne sa maman. Elle répète déjà un numéro avec la roue Cyr. Elle a eu un vrai coup de cœur. Quant à Louis, il ne jure que par le cinéma ! »

Odette

Cadette de la fratrie, Odette Bouglione se dit « chanceuse d’appartenir à une grande famille circassienne ! ». Comme sa sœur Régina, elle sait tout faire ! En 40 ans de carrière, elle a travaillé sur la piste, en solo, en trio, présenté des numéros équestres, comme son illustre père, Émilien. Avec son ex compagnon, Odette a sillonné le monde entier avec leur compagnie Il Florilegio Di Darix Togni Company. Présidente du Cirque d’Hiver depuis deux ans, elle se passionne toujours autant pour le design des costumes ! Elle est imbattable dans l’organisation des plannings, les ressources humaines, la gestion du budget… On n’échappe pas à son destin de circassien ! C’est ce que lui a laissé entendre son fils Alessandro, 17 ans, bien déterminé à consacrer sa vie professionnelle au Cirque d’Hiver. Il a déjà présenté un numéro d’acrobatie, puis un autre, de magie, avec ses cousins mais se voit bien suivre des études d’économie. « Pour diriger cette maison, il faut passer par TOUS les postes, tout connaître. Ma mère, elle a de la chance, finalement ! Elle a tout : un fils artiste avec mon frère Valentino, 23 ans, et un autre qui veut poursuivre ses études pour se consacrer au management ! »


L’Histoire

« Le plus beau patrimoine est un nom révéré »

Victor Hugo

170 ans et… pas une ride !

Trois institutions célèbrent leur 170e anniversaire !

Tour à tour appelé « Cirque Napoléon » puis « Cirque National », le Cirque d’Hiver est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 10 février 1975. Après 8 mois de travaux, la bâtisse, érigée par l’architecte Jacques Hittorff, a été inaugurée le 11 décembre 1852 par le Prince Louis Napoléon, qui lui a donné son nom.

La même année, Aristide Boucicaut, fils de chapeliers monté à Paris pour être calicot, et sa femme Marguerite, décident de métamorphoser une simple échoppe située rive gauche en un grand magasin. Le Bon Marché, vitrine de la mode et de la gastronomie, est devenu une véritable institution.

Le dictionnaire Larousse a soufflé ses 170 bougies, à l’occasion de la sortie de sa nouvelle édition le 15 juin 2022. Né dans l’Yonne, à Toucy, Pierre Larousse a consacré sa vie à la transmission des connaissances, via l’édition. Il est considéré comme l’inventeur des encyclopédies modernes.

C’est un lieu chargé d’histoire (s). Le Duc de Morny donne l’autorisation de sa construction le 17 décembre 1851 et Jacques Ignace Hittorff, architecte du Cirque d’été et de la Gare du Nord, fait ériger l’édifice. Après 8 mois de travaux, il est là. Auguste et majestueux. Le Prince Louis Napoléon l’inaugure le 11 décembre 1852 et lui donne son nom. Le Cirque Napoléon se distingue par ses ornements intérieurs et extérieurs signés par de prestigieux peintres et sculpteurs dont Pradier, qui a exécuté des commandes officielles pour l’Arc de Triomphe de l’Étoile ou le tombeau de Napoléon aux Invalides…
Le 12 novembre 1859, le Toulousain Jules Léotard y invente le trapèze volant. À la chute du Second Empire, le Cirque Napoléon est rebaptisé Cirque National puis Cirque d’Hiver, son identité définitive, emblématique et souveraine.
Le 27 décembre 1907 Pathé investit les lieux, devenus Le Temple de l’Art Nouveau ; fauves et crocodiles n’existent plus que sur l’écran !
Mais en 1926, tout se joue quand Alexandre Bouglione découvre un stock d’affiches de Buffalo Bill datant du Wild Wild West Show de 1904. Il convainc son père de recréer un spectacle librement inspiré de l’épopée américaine : le Stade du capitaine Buffalo Bill. Un triomphe !
En 1923, à l’arrivée de Gaston Desprez, le bâtiment est entièrement restauré : les gradins en bois sont remplacés par des structures en béton, peintures et installations électriques et techniques sont refaites. Les Fratellini deviennent les directeurs artistiques. En 30 jours, une piscine est construite sous la piste et Mistinguett l’inaugure ! Endetté, Desprez vend le Cirque d’Hiver aux 4 frères Bouglione qui l’investissent le 28 octobre 1934. Le nom de Bouglione, indissociable du Cirque d’Hiver, ne cessera de rayonner sur Paris et le monde entier. La preuve : les caméras d’Hollywood tourneront, en 1955, un film d’anthologie Trapèze avec Gina Lollobrigida, Tony Curtis et Burt Lancaster.
Avec la célèbre émission La Piste aux Étoiles, le Cirque d’Hiver Bouglione s’invitera dans tous les foyers. En 1999, la nouvelle génération Bouglione insuffle au Cirque d’Hiver un vent de renouveau, renouant avec les succès.
La suite, on la connaît : des spectacles plus mirifiques les uns que les autres : Salto, Voltige, Bravo, Audace, Artistes, Étoiles, Festif, Prestige, Virtuose, Éclat, Phénoménal, Géant, Défi, Dingue, Fantaisie…