Monsieur Loyal vous souhaite la bienvenue!

Michel Palmer alias M. Loyal se demande dans quel Délire les artistes de la nouvelle saison vont bien pouvoir l’entraîner ! Après les Audaces, les Vertiges et autres Défis de circassiens surdoués, M. Loyal va voir débouler sur la piste du Cirque d’Hiver-Bouglione de sacrés numéros. Glenn Folco, le jongleur italien de folie, Régina Bouglione, la cavalière émérite, le duo Rolling Wheel, qui manie la roue allemande comme personne, Matute, le clown chilien qui se la joue Jim Carrey, Cassie Audiffrin, le gracieux groom qui vous transporte dans l’univers feutré d’un palace, le Trio Three G, les acrobates de haut vol, Scott et Muriel, les magiciens burlesques déjantés et désopilants, le Professeur Ermakov et ses adorables toutous, Nirio Rodriguez, l’artiste cubain qui défie les lois de l’équilibre, les Ukrainiens Artur et Esmira qui revisitent les sangles aériennes et Miami Flow, les as de la barre russe.

Michel Palmer, Monsieur Loyal

Les numéros

Les salto dancers
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Les Salto Dancers

ballet

Ne pas inviter ce ballet d’exception sur la piste du Cirque d’Hiver serait une erreur. Pire : du Délire ! Ils sont bel et bien là, les 3 danseuses et  les 3 danseurs de renommée internationale, à rythmer le spectacle et à subjuguer le public, sous le charme et toujours conquis par la qualité des chorégraphies qui ponctuent le spectacle. Alec Mann, le chorégraphe, mène la danse et dès que les Salto Dancers entrent en piste, la magie opère !

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Michel Palmer

Monsieur Loyal !

La piste fait battre son cœur depuis plus de quatre décennies. Avec discrétion, distinction, passion et des connaissances inégalées, Michel Palmer veille avec bienveillance sur le public et ses camarades artistes qu’il aime accompagner, mettre en valeur. On pourrait croire qu’il a tout vu, tout connu… Et pourtant, il devra, pour cette saison 2023-2024, faire face à un vrai raz-de-marée. Le voilà prévenu ! Délire va tenir toutes ses promesses et bien au-delà…

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Glenn Folco

jongleur

Issu d’une grande famille circassienne italienne, ce jeune artiste susciterait un Délire incomparable… sur le court central de Roland-Garros. Mais sur piste, Glenn n’en est pas moins un impressionnant champion. Jugez-en plutôt : jongler avec des raquettes de tennis à un rythme effréné n’est pas donné à tout le monde. Federer et Nadal n’ont qu’à bien se tenir. Amusez-vous à compter le nombre de raquettes qui volent dans les airs… si vous le pouvez !

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Regina

haute-école

On ne présente plus l’égérie du Cirque d’Hiver. Fille de l’illustre écuyer Émilien Bouglione, elle entretient une complicité avec les chevaux qui force l’admiration. Belle artiste -au propre comme au figuré- Regina fait rimer Délire avec plaisir grâce à son numéro de haute-école, discipline qu’elle maîtrise à la perfection et dont elle a été l’illustre incarnation dans le monde entier. « Même si j’ai plus de 20 numéros à mon actif, confie-t-elle, c’est la haute-école que je préfère ».

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Duo Rolling Wheel

roue allemande

Un couple -à la ville comme à la piste- en parfaite harmonie dans ce numéro qui exige une plastique parfaite, et aussi une grâce, un esthétisme et une technique irréprochables. Songer à les imiter et acquérir un tel niveau serait pur Délire ! Non seulement ce numéro s’exécute rarement à deux, mais il est peu courant de voir les artistes utiliser deux roues simultanément !

Matute
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Matute

clown

Nul besoin de parler à haute et intelligible voix pour se faire entendre, applaudir, déclencher les rires et provoquer un vrai Délire dans les gradins ! Les grands -et surtout les petits- vont d’emblée comprendre ce langage universel que sont l’humour et le comique de situation. L’artiste chilien, musicien à ses heures, se la joue Jim Carrey. Il y a fort à parier que les concours de grimaces vont aller bon train ! Son talent a été récompensé au 16e Festival International du Cirque de Voiron.

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Cassie Audiffrin

aérien

Vous avez envie de vous faire un Délire, du style « Je m’offre un séjour dans un palace ». Le temps d’un numéro, c’est possible ! Alors, laissez-vous guider par Cassie, irrésistible en groom de charme qui métamorphose l’emblématique chariot à bagages des hôtels de luxe en accessoire de piste. Danseuse hors pair, elle flirte avec le contorsionniste. Suspendue dans les airs, tel un oiseau de paradis défiant sa cage dorée, l’artiste nous entraîne dans un voyage magique !

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Trio three G

acrobates

À coup sûr, ces trois petits bouts de femmes vont déclencher le Délire chez les spectateurs du Cirque d’Hiver ! Pourquoi ? Mais parce qu’elles ont TOUT : la sensualité, la beauté, la grâce, un sens de l’équilibre spectaculaire, une agilité et une souplesse dont seuls les artistes circassiens ont le secret. À voir évoluer ces drôles de dames sur la piste, on ne peut qu’apprécier la subtile harmonie entre la puissance et la féminité.

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Scott & Muriel

magie comique

Magie et comique : voilà deux mots qui vont si bien ensemble ! Mais un troisième s’impose pour qualifier ce duo déjanté : Délire. Irrésistible en poupée de chiffon, blonde de surcroît, Muriel fait tourner Scott, le macho -son mari dans la vie-, en bourrique ! Ces deux-là jouent sur tous les tableaux : une mécanique comique imparable, des situations hilarantes servies par une technique bien huilée. Ces artistes n’en sont pas à leurs premiers trophées et récompenses.

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Professeur Ermakov

et ses chiens

L’enseignement n’a jamais été un métier facile, mais quand le prof a des chiens de toutes races comme élèves, ça s’annonce comme du pur Délire ! À leurs pupitres ou au tableau, les adorables canidés s’avèrent tour à tour savants, obéissants, doués, mais aussi indisciplinés et facétieux. Pas de zéro pointé pour cette classe dissipée et irrésistible. Ce prof pédagogue vous révèle la tendre complicité entre ces chenapans à quatre pattes et leur humain de compagnie !

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Nirio Rodriguez

équilibres

Son impressionnante musculature et son élégance font de lui une sculpture vivante. C’est du Délire, vous direz-vous en contemplant ce numéro majestueux d’équilibres sur canne. Il réussit à se mettre en planche sur les bras, s’élève en équilibre sur la tête et, au final, tourne deux tours complets, à grande hauteur et en se tenant sur un bras ! Venu de Cuba, Nirio a été découvert par le public français en 2017.

Orchestre de Pierre Pichaud
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Présentation de

l’Orchestre de Pierre Pichaud

Pierre Nouveau, l’emblématique chef d’orchestre du Cirque d’Hiver, indissociable de la saga des Bouglione, va tirer sa révérence. Le maestro va passer la baguette à son successeur. Loin d’être dans un Délire de s’aventurer à la tête de l’Orchestre du Cirque d’Hiver Bouglione, Pierre Pichaud connaît déjà la musique… de cirque. Avec ses 9 musiciennes et musiciens, ce chef d’orchestre/trompettiste/arrangeur va illustrer les numéros et accompagner chaque artiste avec une palette infinie de tempos.

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Artur & Esmira

sangles aériennes

Ces artistes venus d’Ukraine ont travaillé ensemble sur les pistes, notamment celle du Young Stage Basel, le plus grand festival du cirque en Suisse et l’un des plus prestigieux au monde.  Transfuges de la troupe des Bingo, qui avait conquis le public à la saison 2019-2020, ils ont convolé en justes noces juste avant de signer leur contrat au Cirque d’Hiver ! Le Délire de ce couple, c’est de se prendre pour Icare et de s’envoler vers le firmament enroulés dans leurs sangles et évoluant dans les airs avec une réelle poésie.Vous ne pourrez pas quitter Artur et Esmira des yeux !

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Miami Flow

barre russe

La barre russe est une attraction née en Russie. Discipline exigeante, où s’entremêlent acrobatie artistique et gymnastique, elle a su inspirer les artistes cubains de la troupe Miami Flow ! Ils sont donc 5 garçons et 1 fille à prendre possession de la piste et ça déménage ! Acrobates au zénith de leur art, on les croirait montés sur ressorts tant ils enchaînent les figures, les triples sauts arrière et se propulsent dans les airs à un train d’enfer qui confine au Délire. Accrochez-vous pour suivre ce club des 6 intrépides !


Interviews

Cassie Audiffrin

Je suis une artiste comblée

Cassie Audiffrin

À l’affiche du Cirque d’Hiver Bouglione dans un numéro aérien d’une poésie rare, Cassie Audiffrin, acrobate et danseuse au Crazy Horse, évoque sa passion pour la danse et les moyens qu’elle s’est donnés pour vivre son rêve. Rencontre avec une « artiste comblée ».

D’où venez-vous, Cassie ?

Je suis née à Sausset-les-Pins, une petite calanque près de Marseille. Je ne viens pas d’un milieu circassien mais nous avons tout de même un artiste dans la famille : mon grand-père est peintre !

Vous rappelez-vous votre première rencontre avec l’univers du cirque ?

Ouiiii. Toute petite, mes parents m’emmenaient voir des spectacles de cirque et j’aimais beaucoup regarder les trapézistes qui me fascinaient. Je trouvais ça beau mais dans ma calanque, il n’y avait pas de cours de trapèze. Alors, malgré le trapèze dans le jardin, je n’ai pas persévéré !

Et, de toute façon, vous ne rêviez que de danse !

C’est vrai. J’ai toujours voulu être danseuse. Et pour vivre ma passion, j’ai quitté la maison à 15 ans pour suivre des cours de danse contemporaine à Montpellier. Mes parents, très ouverts et très à l’écoute, m’ont laissée suivre ma voie et m’ont fait confiance. Il faut dire que j’ai un caractère très affirmé et une force de persuasion !

Ils ont eu raison puisqu’à 18 ans, vous êtes engagée au mythique Crazy !

Oui, j’avais passé le casting à 17 sans avoir été retenue -j’étais mineure- et l’année suivante, après un an passé à Montréal et plus de maturité, sans doute, j’intègre la troupe ! Comme ça, sur le papier, être danseuse au Crazy ne semble pas trop compliqué. Pourtant, l’exigence est comparable à celle en vigueur à l’Opéra de Paris ; le charisme ne suffit pas !

De quoi faire mentir la conseillère d’orientation qui ne croyait pas en vous !

C’est le moins que l’on puisse dire ! Certes, je n’étais pas bonne élève et je n’aimais pas l’école. Je ne m’y sentais pas à ma place. Cette conseillère voulait à tout prix me caser en S, en L, en ES et n’écoutait pas quand je lui parlais de danse. J’avais prévu de passer mon bac tout en travaillant ma discipline de prédilection mais je ne l’ai pas décroché. Mais, avec 11 ans de carrière bien remplie, je suis retournée la voir avec mes fiches de paie du Crazy Horse et je lui ai rappelé que mes contrats au Lido, au Crazy Horse et, cette année, au Cirque d’Hiver, prouvaient que je ne m’en étais pas mal sortie ! Je tenais ma petite vengeance… (rires).

Quel effet ça fait d’être à l’affiche du Cirque d’Hiver ?

Une vraie fierté de réunir deux mondes, celui de la danse et celui du cabaret. Et surtout de présenter ce numéro très contemporain et très poétique créé par Masha Terentieva. Cette circassienne a passé son temps dans les hôtels, toujours entre deux voyages, et cela l’a inspirée. Elle s’est demandé si les employés des hôtels dans lesquels elle descendait n’auraient pas, un jour, envie d’être dans la lumière. Masha a été, entre autres, à l’affiche Cirque de Demain. Je l’ai rencontrée sur une tournée en Australie et je me suis manifestée auprès d’elle. Je lui ai dit que son numéro d’Hotel Cart était trop bien ! Elle m’a formée personnellement pour que je l’exécute à mon tour !

Que pensent vos amies danseuses du Crazy de votre carrière ?

Elles sont admiratives de mon parcours, elles ont toutes suivi mon évolution. Elles m’ont vue entreprendre une formation pour faire de l’aérien. Mais elles n’ont pas envie de marcher dans mes traces. Elles savent l’exigence du monde du cirque et connaissent la prise de risque, physiquement parlant.

Vous prévoyez déjà votre reconversion !

Oui, je viens d’avoir 30 ans. Et j’ai clairement l’intention de séparer ma vie en deux. Celle d’artiste et celle de maman. Je veux fonder une famille et je ne me vois pas dans les avions avec le matériel et les enfants… Je veux les élever près de l’Océan et surtout pas à Paris. D’ailleurs, en plus de mon diplôme de danse, je me suis formée au yoga car je veux partager avec les autres l’art de pouvoir réparer son corps soi-même. Je vais commencer une formation de Pilates pour acquérir de nouvelles compétences. Donner des cours sera davantage compatible avec ma vie de famille !

Arrêter la scène sera un crève-cœur, non ?

Ça sera dur, je le sais, mais j’ai pu réaliser tous mes rêves et je me considère comme une artiste accomplie, épanouie et comblée. J’ai beaucoup de chance.

Scott & Muriel

Avant d’étonner le public, nous devons nous étonner nous-mêmes !

Scott & Muriel

Scott et Muriel tiennent une pépite entre leurs mains : un numéro atypique et 100 % inédit qu’ils ont conçu de A à Z et qui allie humour visuel sans paroles, acrobatie et magie. Champions du monde de magie à la Convention Internationale des Magiciens, FISM, ils parcourent le monde et les festivals. Faisons plus ample connaissance avec ce couple -à la ville comme à la piste- de circassiens surdoués !

Muriel et Scott, vous formez un duo burlesque incontournable ! Pouvez-vous vous présenter ?

Muriel : Je m’appelle Muriel Brugman, j’ai 52 ans et je suis originaire des Pays-Bas. J’ai été étudiante en néerlandais, mais j’ai toujours su que je ne poursuivrais pas dans cette voie linguistique ! En 1990, j’ai pris la décision de devenir artiste !

Scott : Moi, c’est Scott Nelson, je suis de 5 ans l’aîné de Muriel et je viens des États-Unis. Depuis l’enfance, je songe à être magicien. Il faut dire que pour mon 9e anniversaire, un prestidigitateur avait été engagé et j’avais adoré ça ! Ma vie a, depuis ce jour, évolué autour de la magie. J’ai livré des journaux et tondu des pelouses, et j’ai tout dépensé en tours dans le magasin de magie local. À l’adolescence, j’ai commencé à me produire dans des fêtes d’anniversaire et, plus tard, j’ai fait de la magie pour faire patienter les clients qui attendaient leur table dans les restaurants. Avec une idée en tête : exercer un jour mes talents sur scène ! Bien plus amusant que les études de maths auxquelles je me destinais ! J’ai quitté les USA pour l’Europe. Un jour, après avoir joué dans les rues de Covent Garden à Londres, un groupe d’artistes est entré dans un pub et l’artiste de rue le plus célèbre de tous, le capitaine Kino, m’a dit que mon numéro était mauvais. C’était difficile à entendre, mais je savais que c’était vrai. Ce soir-là, j’ai compris qu’il fallait que je trouve qui j’étais en tant qu’interprète. Et pour cela, j’ai dû apprendre le mouvement, le jeu et l’art du clown. J’ai dû développer mon propre style, mes propres routines magiques.

Avez-vous des modèles, des références qui ont nourri et inspiré votre travail ?

Muriel : Buster Keaton et Jacques Tati. Lui, c’est mon a-mour ! 

Scott : J’ai été inspiré par la magie comique de Harry Anderson, Larry Wilson et, bien sûr, Charlie Chaplin et Buster Keaton. Et aussi les Monty Python ; je pouvais réciter leurs sketchs par cœur !

Vous avez suivi des formations ?

Muriel : Avec Philippe Gaulier à Londres, fondateur de l’école éponyme. J’ai appris l’art d’être clown avec ce grand pédagogue. Il se montrait très exigeant. Face à une prestation qu’il estimait mauvaise, il n’hésitait pas à balancer : « Qui peut tuer ce clown ? ». Et il avait raison ! Tout était basé sur la construction du personnage ; le costume ne suffit pas et surtout, il vient après. Gaulier m’a appris à construire un personnage. L’essence du clown. Une fois que vous tenez le personnage, vous trouvez le matériel comique.

Scott : À 21 ans, je suis venu en Europe. J’ai réussi à entrer à l’école Commedia de Copenhague ; c’est ce qu’il me fallait ! Pour financer mes études artistiques, je jouais dans la rue. Un jour, quelqu’un m’a vu et a fait une vidéo de mon numéro. Un agent qui travaillait avec le Japon l’a visionnée, et a réussi à joindre ma mère en Californie car je n’avais pas d’adresse fixe où être contacté. C’est ainsi que j’ai pu signer un contrat de 4 mois avec le Parc de loisir Holland Village à Nagasaki !

Et vous, Muriel, êtes tombée amoureuse de Scott !

Oui, mais je suis d’abord tombée amoureuse de son spectacle, vraiment exceptionnel. Je n’avais jamais vu ça ! C’était tellement inspirant !

Quand rencontrez-vous Scott ?

Fin mai 1995. Un matin, à la radio alors que je me précipitais pour partir au travail, quelque chose a attiré mon attention et je me suis arrêtée net pour écouter. Ils décrivaient un acte magique, qui était joué en direct à la radio ! La sensation était bizarre, parce que la prestation était visuelle et « sans paroles ». J’ai reconnu le spectacle de Scott ; il profitait de cette invitation à l’antenne pour dire qu’il cherchait un assistant. J’ai aussitôt pensé que je serais parfaite ! Des semaines plus tard, quelqu’un a donné mon numéro à Scott, et il m’a appelée. Notre premier rendez-vous a consisté à faire du monocycle au bord de la mer un dimanche après-midi. C’était très romantique…

Alors, Scott ?

C’est vrai. Mais il nous a fallu 4 ans pour décider de travailler ensemble !

Votre numéro est assez exceptionnel !

M. et S. :  La plupart des magiciens achètent leurs illusions, ils ne les créent pas. En réalité, personne ne propose, comme nous, de la comédie physique basée sur des personnages avec des illusions originales.

Quelle est donc sa valeur ajoutée ?

M. : Il a été pensé, conçu, construit de toutes pièces. Nous avons tout inventé. Ce n’est pas un numéro déjà existant et repris et adapté par nos soins, vous voyez ? C’est une mécanique très subtile, un rythme très précis. Atteindre ce but peut prendre des années ! Nous, nous construisons et développons nous-mêmes tous nos trucs et numéros.

Comment se répartissent les tâches dans votre duo ?

Muriel : Nous sommes tous les deux bricoleurs, nous créons et fabriquons tout, ensemble, dans notre atelier en Lorraine avec la complicité d’un machiniste ou d’un métallurgiste. Nous écrivons les numéros ensemble, mais Scott est meilleur pour écrire les gags : une poupée qui s’effondre, un lapin qui fait pipi, et la conception technique des illusions, parfois très compliquée. Moi, je suis douée pour faire de la comédie à partir de rien, interagir avec une personne dans le public… Je conçois les costumes, dessine les patrons et les couds. J’ai appris le dessin 3D sur ordinateur pendant la pandémie.

Scott : Il y a beaucoup de technique dans notre numéro et je m’en charge le plus souvent. Mon outil de prédilection ? Le fer à souder ! Et j’ai toute une collection d’outillage de précision. Je conçois une pièce et dessine un croquis 2D, puis Muriel transforme ce croquis en modèle 3D, et je m’occupe de l’impression 3D. Nous travaillons nos propres matériaux avec des spécialistes. Nous sommes, en quelque sorte, notre propre maître d’ouvrage !

Quelle est la plus grande difficulté dans votre travail de création ?

M. : Développer sans cesse la communication avec le public et la conserver. C’est le propre des numéros comiques ou burlesques. Créer quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’a jamais existé en lien étroit avec le public. Car c’est lui qui décide si c’est drôle donc réussi ! L’interaction avec lui est permanente. Au cours de mes études, j’ai découvert que la réponse du public était plus forte quand il n’y avait pas de paroles. 

S. : Nous jouons dans 25 pays et il faut jouer différemment à chaque fois pour tenir compte du contexte culturel. Après chaque représentation, nous devons réfléchir, adapter et ajuster pour que le numéro garde une fraîcheur certaine et donne l’illusion de la première fois. Avant d’étonner le public, nous devons nous étonner nous-mêmes !

Délire canin de père en fils…

Prof Ermakov

Issu d’une lignée de circassiens russes, Mikhail Ermakov a entrepris de brillantes études, avant de reprendre le flambeau familial pour jouer les professeurs sur les pistes du monde entier. Avec des chiens de toutes races en guise d’élèves… Le genre de prof qu’on aurait tous aimé avoir : passionné, indulgent, bienveillant et aimant…

Les animaux, c’est une passion dans la famille Ermakov !

Oui. Mon grand-père, artiste de cirque traditionnel, a commencé à Moscou avec un cheval et un ours ! Il s’agissait d’une saynète où un homme supposé ivre voulait en découdre avec un ours ! C’était il y a un siècle, autant dire une autre époque…

Et après, il s’est produit avec un chien ou deux dans un numéro qui démontrait que les chiens savaient compter. Devant le succès grandissant, il a créé la dog school. Et, à partir de ce moment-là, il n’a cessé de recevoir des propositions de contrats. Il s’est produit à Cuba, aux USA et dans toute l’Europe y compris en France. Et il a transmis sa passion à son fils qui a lui-même repris et présenté ce numéro dans plus de vingt pays. Mon père est même venu à l’Opéra de Paris, il y a une trentaine d’années, avec son école des chiens à l’occasion de l’anniversaire d’une personnalité -un ministre, je crois.

Et, vous, quand votre vocation s’est-elle dessinée ?

Très jeune, mes parents m’ont intégré au spectacle. Je me suis retrouvé sur la piste d’un cirque à l’âge de 4 ans. J’étais un élève parmi les chiens de la dog school, assis à mon pupitre. Et je dois avouer qu’ils étaient bien meilleurs que moi.

Mais vous avez très vite pris du galon !

Oui. Je suis devenu professeur vers mes 5-7 ans. Là, j’ai commencé à interroger les chiens au tableau.

Vous avez toujours voulu être artiste de cirque ?

Je voulais d’abord faire des études supérieures. J’avais besoin d’acquérir des compétences, du savoir… J’ai suivi un cursus de théologie ; je me suis toujours intéressé aux religions. Mais je suis né dans un cirque et j’ai toujours beaucoup voyagé pour suivre ma famille alors je suppose que ma vie était toute tracée. En fait, je n’ai jamais connu autre chose !

Ça a commencé comment ?

Avec un ou deux caniches. Et puis la famille des chiens s’est agrandie.

Vous ne privilégiez pas les chiens de race ?

Non. Plus de la moitié de mes partenaires sont des croisés ou des petits bâtards. Pas besoin de pedigree pour être aimés. Moi, j’aime les chiens des rues. À leur naissance, ils sont abandonnés à leur propre sort quand ils n’appartiennent à personne. C’est important pour moi que le public sache d’où ils viennent.

Vous leur choisissez des prénoms faciles à retenir pour un public international !

C’est vrai. Pluto, Whisky, Youki, Rex ou Milou, ça parle à tout le monde.

De vrais coqs en pâte, vos toutous !

Mon père, en son temps, voyageait en camion avec ses chiens… Moi, j’ai acheté une caravane que j’ai fait aménager exprès pour eux, avec de l’air conditionné.

Vous leur trouvez toutes les qualités à vos chiens-élèves !

Mais oui. Ils sont très intelligents. Vous savez, les chiens, c’est comme les enfants : ils sont tous différents, avec leur personnalité, leur caractère. Chacun est unique. Et puis, si un animal vous paraît maladroit ou stupide dans une situation donnée, il sera malin et ingénieux dans une autre. Il est de ma responsabilité de le faire savoir ! Je suis un grand fan de mes chiens car ils rendent ma vie plus belle.

C’est facile ou difficile de construire un numéro avec des chiens ?

Les deux à la fois. Ils comprennent parfaitement l’émotion ressentie par les humains. Si je suis stressé, ils le seront aussi. Nous aimons jouer et nous amuser ensemble. Ce spectacle me rend heureux car je l’ai pensé et conçu pour faire plaisir aux gens. Pour moi, c’est un métier et pour mes compagnons à quatre pattes, c’est un jeu !

Pierre Pichaud

Le cirque est le seul endroit où l’on peut rêver les yeux grand ouverts

Pierre Pichaud

La saison 2023-2024 marquera l’arrivée d’un nouveau chef à la baguette du Grand Orchestre du Cirque d’Hiver Bouglione. Dès son enfance, Pierre Pichaud relève tous les défis et s’accroche à sa passion. Rencontre avec un musicien-né qui est allé jusqu’au bout de ses rêves et même au-delà !

Trompettiste ? Chef d’orchestre ? Compositeur ? Arrangeur ? Orchestrateur ? Prof de musique ? Directeur musical ? Ne cherchez pas ! Pierre Pichaud est tout cela à la fois et même plus encore. Si on osait le jeu de mots, on dirait que c’est un véritable homme-orchestre.

Tout gamin, le petit Pierre se rêve batteur. « Mon grand-père jouait bien de la clarinette dans les bals, confie-t-il, mais personne dans la famille n’était artiste professionnel. Alors, pour que je fasse de la batterie, ce n’était pas écrit ! Dans notre petit village, impossible de trouver un prof ! Quand j’ai eu 8 ans, mes parents m’ont proposé de choisir un autre instrument. Alors, pourquoi pas la trompette ? C’est un instrument qui oblige à jouer avec les autres ! J’avais besoin de convivialité et de partage. Avec le piano, la guitare ou l’accordéon, on joue le plus souvent tout seul ». Ainsi, il rejoint l’harmonie du village. « Vous pensez si ça m’a plu ! » Et puis LA rencontre avec Francis Célérier fait office de déclic. « Un vrai coup de cœur pour ce prof, se rappelle Pierre. Je sors de l’adolescence et je joue avec Les Joyeux Thibériens, l’Harmonie de Thiviers. Parfois devant 1500 personnes ! Pour moi, c’était de la folie ! Je me retrouvais au milieu d’adultes, je faisais ce que j’aimais le plus. Je tournais dans les carnavals, les soirées… En un mot, j’étais propulsé dans le monde de la fête et de la joie ! »

« On m’a fait croire que j’étais doué »

La nouvelle se répand : très vite, il montre des facilités à la trompette ! « On m’a fait croire que j’étais doué, s’amuse Pierre Pichaud, alors, on m’a poussé et mis en avant ». Mais le jeune homme reste lucide. « Bon, je n’étais pas Maurice André ni Wynton Marsalis mais j’ai saisi toutes les opportunités, notamment de jouer en solo quelques fois pour les festivals ». Il s’éclate, fait des rencontres et on l’applaudit. Le destin se met en marche. « Je ferais bien ça toute la vie et pas que les week-ends », pense-t-il tout bas. Ses parents, eux, sont moins emballés ; la méfiance règne. « Je suis issu d’un milieu agricole. Chez moi, on est habitué au labeur, on est dur à la tâche. Ma mère se pose et me pose LA question : « Mais comment comptes-tu gagner ta vie ? Tu n’es pas fils de… » Pour mes parents, sortir de HEC, c’est 9 chances sur 10 de trouver un bon job. Mais faire la musique ne peut que mener nulle part… »

Il a fallu tout de suite apporter la preuve que c’était un VRAI métier. Et le jeune homme s’y emploie. À 18 ans, il fait les bals et découvre l’intermittence. Il intègre le conservatoire de Limoges et l’orchestre de bal Frédéric. « J’ai compris qu’il y avait une vie après le conservatoire ! J’ai aussi appris à jouer par cœur, avec un micro ». À 27 ans, il termine ses études de trompette à Boulogne-Billancourt dans la classe de Frédéric Presle qui interroge son élève sur l’orientation qu’il souhaite donner à sa carrière. Le classique ? La variété ? L’enseignement ? Trop indiscipliné, trop impatient, trop déconneur, trop avide d’aventures pour s’intégrer durablement dans un orchestre symphonique, selon ses propres dires. 

« On joue 200 fois le même morceau et… ce n’est jamais pareil ! »

Et Pierre Pichaud croise la route de la famille Bouglione. Le Cirque d’Hiver fait appel à son talent. « Sur les tournées, on m’a demandé d’adapter quelques musiques pour les pré-shows. J’écrivais vite, efficace. On a ressenti une énergie en moi », se félicite Pierre qui est bien conscient d’avoir été à bonne école avec les bals… Il repense au jour où il avait écouté, admiratif, l’orchestre du Cirque d’Hiver jouer ; il s’était fait la réflexion « C’est ça que je veux faire, mais jamais je n’y arriverai ! »

Il découvre -s’il ne le savait pas déjà- qu’il aime créer. Et aussi qu’il n’est pas très académique dans sa manière d’appréhender la musique. Mais pédagogue, ça oui ! « J’ai décroché mon diplôme de prof ! » La rencontre avec Joseph Bouglione marque un tournant. « C’est une chance de travailler avec lui. C’est un artiste complet, il sait tout faire. J’ai été impressionné mais tout était simple, fluide ; on s’est compris très vite. L’univers du cirque n’est pas le plus facile. Il faut une certaine humilité, le sens du timing que j’ai beaucoup travaillé et surtout refuser la routine ». Ça tombe bien, il ne demande que ça. « On joue 200 fois le même morceau et croyez-le ou on, ce n’est jamais pareil. Il faut pouvoir assurer 2 heures à raison de trois spectacles quotidiens, parfois ». Son expérience avec la création de son propre show Les sourds-doués, où musique et humour règnent en harmonie, l’a armé pour relever son nouveau challenge au Cirque d’Hiver.

Pierre Pichaud a forgé sa propre méthode : il passe beaucoup de temps à visionner les vidéos des artistes. « Par exemple, pour accompagner le clown, il faut d’abord comprendre son univers, son humour, la mécanique de son numéro. Je prépare tout en amont en annotant ma partition. Quand j’écris la musique pour ne la jouer qu’une minute, c’est très précis. Le timing est subtil et primordial. C’est vraiment avec le bal et la variété que j’ai pris la dimension professionnelle de mon métier de musicien et cela m’a conduit à m’investir dans la composition et l’arrangement. Je me suis plongé dans des logiciels d’écriture et je suis devenu l’arrangeur des orchestres de variété »…

Le bonheur professionnel est là, à portée de notes. Avec une douzaine de productions annuelles à l’international, sa réputation n’est plus à faire. Mais c’est au cirque qu’il consacre 80 % de son temps. Là-bas, tout est différent. « On ne donne pas un concert, on ne nous jette pas des fleurs à la fin du spectacle. On joue avec l’artiste qui exécute son numéro sur la piste et on joue avec le public. Cette connexion à trois est essentielle. Non seulement le cirque réunit toutes les générations et permet une palette d’émotions infinie, mais c’est le seul endroit où l’on peut rêver les yeux grand ouverts… »

Odette Bouglione

Dans les festivals de cirque, je juge les numéros avec mon cœur !

Odette Bouglione

Depuis qu’elle a pris les rênes du Cirque d’Hiver, il y a deux ans, Odette Bouglione est sollicitée par tous les festivals de cirque français et internationaux. Membre de nombreux jurys prestigieux, elle évoque son rôle de juge. Un job à part entière.

Qu’il s’agisse du Festival de Bayeux, du Festival international du Cirque de Monte-Carlo, du Festival international du Cirque de Budapest, du Festival de Latina en Italie, du Circus Talent, consacré aux Jeunes Talents italiens ou de celui, plus récent, de Salieri, toujours en Italie, Odette Bouglione est sur tous les fronts. « Celui de Salieri est vraiment particulier et très beau ; il se déroule dans un superbe théâtre près de Vérone et tous les numéros doivent être exécutés sur de la musique classique jouée par un orchestre de 35 musiciens ! »

Juger ses pairs n’est pas une mission que la dirigeante du Cirque d’Hiver prend à la légère. « C’est une sacrée responsabilité. L’exigence est de rigueur ! La famille Bouglione place toujours la barre très haut mais, en même temps, un juge doit savoir faire preuve d’indulgence. Pour avoir été nous-mêmes artistes, partout dans le monde, nous sommes capables d’apprécier le travail qui a été fait… ou non en amont. Bien sûr, un artiste peut se louper ; il doit alors avoir droit à une deuxième chance. Tant de facteurs entrent en ligne de compte et peuvent ruiner un numéro. Mais il ne faut pas non plus qu’il exagère ». Alors, comment évaluer la prestation ? Sur quels critères ? « Je suis censée juger le travail, la partie technique mais aussi la partie artistique, l’esthétique. L’idéal, c’est un savant mélange de tout ça. Si j’assiste à des numéros exceptionnels, je suis la première à dire « Chapeau ! » mais l’artiste ne doit pas être un robot. Les prouesses ne suffisent pas. N’oublions pas qu’il faut vendre du rêve sur une piste de cirque ! Un numéro, c’est une émotion. Je ne pense pas être sévère, je juge d’abord avec mon cœur. Si je devais résumer, je dirais que l’artiste n’a qu’une obligation : être waouh. »

La dotation se pratique entre 1 et 10 ou 1 et 20, mais Odette l’assure : « Nous essayons de ne jamais attribuer des notes en dessous de 5. La priorité de chaque jury est de décerner des prix spéciaux à tous, que personne ne reparte les mains vides ! » Si les échanges, concertations, délibérations se déroulent dans la bonne humeur et la bienveillance, ce qui se dit au sein du jury reste dans le jury ! « Tout ce que je peux vous révéler, c’est que nous faisons le job sérieusement en prenant des notes, en remplissant des fiches. J’ai adoré les vraies discussions qui se sont engagées au Festival de Monte Carlo en janvier dernier.  Impossible d’être pointu dans tous les domaines. C’est pourquoi nous avons parfois besoin de précisions d’artistes-jurés qui connaissent parfaitement la discipline et les efforts et sacrifices qui ont été consentis pour mettre au point le numéro. »

Les artistes sont-ils beaux joueurs, autrement dit bons perdants ? « Nous attribuons nos notes en notre âme et conscience mais, parfois, à l’issue du vote, certains viennent nous demander des comptes car ils sont mécontents, déçus… À partir du moment où l’artiste a le courage de participer à un festival, il inspire déjà notre respect. Et puis, il faut savoir que, même s’il ne décroche pas le 1er Prix, il peut mener une carrière incroyable ! »

Une fois la mission accomplie, l’heure est à la fête. Odette profite de l’ambiance festive sur place. « Nous nous connaissons tous ou presque et formons souvent une belle équipe, comme à Salieri la fois où le jury était formé de 15 femmes. Tout le monde enviait notre groupe ! » Odette aime « se nourrir » des nouveaux talents qu’elle découvre au cours de ces festivals. « Cela enrichit considérablement notre univers. Et cela permet à mon frère, directeur artistique du Cirque d’Hiver, d’engager les meilleurs pour les saisons à venir. Au Festival de Budapest. Joseph suivait la manifestation en direct et m’envoyait des SMS pour que je rende visite à tel ou tel artiste dans sa loge dans le but de le booker. »

Pierre Fenouillet, médecin de famille(s) de cirque !

Dr Cirque

Pierre Fenouillet l’a toujours su ! Quand il sera grand, il soignera les petits et grands bobos de ses semblables. Alors, il fait sa médecine, intègre un cabinet à Bordeaux… Sans jamais perdre de vue sa deuxième passion, le cirque. Aujourd’hui, il veille sur les artistes et le personnel du Cirque d’Hiver et sur tous les membres de la famille Bouglione. Rencontre avec Dr Cirque !

La médecine, c’est une vocation ?

Oui, je dirais même plus : une passion depuis tout petit. J’ai toujours voulu être docteur. Vers l’âge de cinq ans, j’ai demandé une panoplie de médecin à mes parents.

Vos parents sont toubibs ?

Pas du tout ! Dans la famille, on est instit’ depuis trois générations !

Mais vous aviez une autre passion !

Oui, le monde du cirque me fascinait. J’ai deux ans quand mon grand-père m’emmène, pour la première fois, voir un spectacle de cirque. Dès lors, cette passion ne s’est jamais démentie, relayée par un personnage phare, Jean Richard. Ce grand monsieur, mon mentor, ami des Bouglione, était sur tous les fronts : cirque, télévision, cinéma, amour des animaux, bande dessinée…

Comment les deux univers se sont-ils croisés ?

Au fur et à mesure de mes allées et venues sous les chapiteaux pour mon plaisir, il y avait toujours quelqu’un pour me lancer : « Tiens, au fait, toi qui es toubib, tu ne voudrais pas voir untel qui est malade, lui renouveler un médicament… ». Petit à petit, ça s’est su. Comme je connais un peu la façon de vivre des circassiens, j’ai été de plus en plus sollicité. Je suis devenu, il y a une vingtaine d’années, le médecin traitant des grands patrons de cirque français, Pinder, Medrano, Amar, Arlette Gruss. Et pendant, la Covid, la famille Bouglione, en panne de toubib, s’est rapprochée de moi… Je suis leur Dr Cirque !

Justement, d’où vient cette appellation ?

C’est une journaliste qui m’avait ainsi baptisé. Et dans le métier, c’est resté.

Vous avez été précurseur de la téléconsultation bien avant la pandémie !

Oui, je l’ai pratiquée il y a bien longtemps. Je ne compte plus les consultations en visio, les photos prises sous tous les angles… Quand les artistes, qui ont besoin d’un avis, d’un conseil, d’une prescription, se trouvent à 800 km en tournée, il faut bien s’adapter ! La consultation dans la caravane d’un artiste, des costumes ou celle de M. Loyal n’est pas toujours possible.  

Cela demande une bonne organisation et surtout un bon réseau !

C’est exactement ça. Parfois, ces patients-artistes, très courageux, ont des corps brisés. Ils repoussent leurs limites et les miennes. Je dois leur trouver des rendez-vous plus rapidement que pour n’importe quel autre patient. Pour eux, rien ne doit être impossible. Le relationnel joue beaucoup. La magie du cirque opère quand je fais appel à des confrères, des labos, des centres de soins à l’autre bout de la France…

Comment soigne-t-on des artistes de cirque ? Quelles sont leurs pathologies ?

Ce sont essentiellement des problèmes médicaux, parfois aigus, mais pas forcément traumatiques. Pour un M. Loyal, on surveille la sphère ORL et particulièrement la voix. Une angine peut ruiner une représentation. Pour un acrobate, un gymnaste, des douleurs abdominales peuvent être catastrophiques, tout comme les pathologies articulaires, tendinites, usure osseuse… Les numéros de force, de main-à-main, d’équilibre, de trapèze sont les plus « délabrants ». Lorsque c’est plus sérieux, j’organise, en fonction des contrats et des tournées, les rendez-vous pour un examen, un scanner, une IRM. Après, si besoin, un kiné, un ostéopathe ou un chirurgien prend le relais. Certains artistes qui ont été opérés à Bordeaux sont venus passer leur convalescence à la maison !

En plus d’être un bon médecin, quelle qualité majeure faut-il pour traiter des artistes ?

De la pédagogie ! Quand vous dites à un artiste : « Si tu veux sauver ta carrière, il faut sauver ton articulation et accepter de t’arrêter trois mois », vous avez intérêt à faire passer le message en douceur. Les gens de cirque minimisent. Ils DOIVENT travailler et ne songent pas un instant à l’éventualité d’un arrêt-maladie. Ils ne s’écoutent pas car ils doivent être efficaces à 100%. Ils veulent être guéris avant même d’être malades !

Des souvenirs plus marquants que d’autres ?

Oh ! Oui. Un jour, j’assiste à un numéro de tir à l’arbalète sous le chapiteau Pinder. L’artiste rate sa cible et la flèche est propulsée entre les deux yeux de sa partenaire. Elle s’écroule. Je sais pourquoi la tension était à son comble avant même l’exécution du numéro. Je suis prêt à bondir avant même d’entendre M. Loyal dire « Est-ce que le toubib peut venir ? » Voilà que je ne trouve pas la fameuse flèche. Tout en mettant la jeune femme en PLS, je balaie la piste du regard. « C’est moi qui l’ai », me dit-elle. Elle l’avait aussitôt retirée. Les pompiers ont pris le relais en coulisses.

Il y a aussi des cas plus graves, plus émouvants !

J’ai eu, entre autres, une dresseuse comme patiente qui se produisait en Espagne. On lui avait diagnostiqué un cancer du sein. Il était hors de question d’interrompre son protocole de soins une fois rentrée en France ! De ville en ville, j’ai pu organiser ses séances de chimio. Est-il besoin de préciser que cette artiste de cirque n’a jamais cessé de travailler pendant son traitement. Elle est en rémission.

Qu’apportent les compétences de Dr Cirque à celles du Dr Fenouillet ?

Pas de formation particulièrement, mais j’essaie de m’améliorer dans la prise en charge, être réactif, et donc efficace. Les techniques de soins de cirque m’aident à poser rapidement un diagnostic via une photo prise sur un smartphone, à trouver des solutions. Cela peut aider des enseignants, des conférenciers, des chanteurs lyriques, des comédiens de théâtre de passage au cabinet à Bordeaux.

Votre cabinet de médecin de ville est rock’n’roll !

C’est un petit musée. Dans mes deux vitrines, j’ai exposé, entre autres, des modèles réduits des Cirques Pinder et Jean Richard. On peut aussi admirer un vieux costume du Cirque Medrano. Et à la maison, c’est la même chose mais en pire (rires). Ce décor fait la joie des petits mais surtout des grands. Mais certains des patients-de-la-vraie-vie, comme je les appelle, jalousent un peu les patients-cirque et me disent gentiment « Ah docteur, les artistes, vous les favorisez ! » Il ne faut pas trop le crier sur les toits mais c’est vrai !

Régina Bouglione

À mon retour des USA, j’ai bien failli tout arrêter !

Régina Bouglione

Dans un 3e opus consacré au monde circassien, Pierre Fenouillet nous fait profiter de sa complicité avec Régina Bouglione. L’artiste lui fait des confidences sur son enfance, sa soif de liberté, sa vie d’artiste « chez les autres », notamment aux USA… Morceaux choisis de son livre, Les carnets secrets du Dr Cirque, publié aux Éditions du Nez rouge.

Tous les gens de cirque connaissent ou croient connaître Régina, la fille du patriarche Émilien Bouglione ! Et pourtant, cette belle artiste très secrète ne se livre pas facilement. Très attachée à sa famille, elle est reconnaissante à ses grands-parents maternels de lui avoir donné tant d’amour !  « Ils ne vivaient que pour nous. Lucienne m’a appris la cuisine, la couture… Du côté paternel, s’amuse-t-elle, c’était différent. Tout le monde -sauf moi-, tremblait devant mon grand-père Joseph, un homme qui impressionnait. Pourtant, il avait le cœur sur la main. Je le faisais rire, mais je veillais à me montrer sage car pour lui, la politesse, c’était sacré ! » La petite fille voue une admiration sans borne à son père. « Comme toutes les gamines, j’étais amoureuse de mon papa. C’est le roi de l’élégance. Hélas, il ne vient pas me chercher à l’école, mais il a des idées innovantes et futuristes pour faire évoluer le cirque ; ça, je le comprends très jeune ».

Tous les jeunes Bouglione sont censés apprendre la danse, la musique. La prof des enfants de Gilbert Bécaud et d’Enrico Macias n’a pas démérité mais Régina n’a pas été convaincue. « Quel cauchemar d’apprendre la musique ! D’ailleurs, il ne m’en reste rien. Ma mère voulait à tout prix que je jongle ; quel ennui ! ». Même insuccès quand il est question d’aller à l’école. « C’est pour moi une période difficile, car je suis séparée de mes parents qui travaillent. » Régina ne s’en est jamais ouverte à personne. « Par crainte de leur faire de la peine. Pendant les vacances, je me débrouille pour être intégrée dans les parades pendant les tournées. Et l’hiver, tout s’arrange. Ils sont là, au Cirque d’Hiver… »

En se produisant outre-Atlantique au Cirque Scott, elle fait la connaissance d’un bel acrobate, Pat Bradford, qu’elle épousera à Paris. « Le mariage s’est fait en coup de vent, dans une robe de chez Vicaire, tout de même ! » Un an après, Régina divorce et retrouve le Cirque d’ Hiver… Éprise de liberté, à la ville comme sur la piste, elle refuse un contrat de longue durée à Disneyland Paris. « Je VEUX faire du cirque ». Elle tombera amoureuse d’un autre artiste, Guy Tell, avec qui elle présentera un époustouflant numéro d’arbalète. Après une tournée exceptionnelle en duo, Régina revient en France en 2000. Définitivement.

Si cette cavalière émérite sait tout faire  -présenter des chameaux, des pigeons, faire de l’antipodisme et en dehors de la piste, conduire des poids lourds-, Régina aime œuvrer en coulisses. Passionnée de mode, elle supervise la création des costumes. « Je fais marcher mon imagination. Mon luxe, ce sont les bottes ! J’en ai une paire différente chaque année. Cela ne me dérange aucunement de laver, recoudre, nettoyer les costumes, que ce soit ceux des garçons de piste, des musiciens de l’orchestre, des artistes, des ouvreuses, des danseuses… » Mais attention, pas question de manger ni de fumer lorsqu’on les porte. Régina veille au grain. Elle a même une recette imparable -rapportée des États-Unis- pour les entretenir : chaque jour, il faut les aérer, les retourner et les asperger d’un savant mélange d’eau et de vodka pour éliminer les mauvaises odeurs. »

Et dire qu’elle a failli se retirer de la piste. « Oui, j’y ai songé. Quand je suis rentrée des USA, j’étais au top. J’ai adoré travailler chez Ringling ; il n’y a pas mieux ! Ce cirque était un bijou. Je pensais tout arrêter car revenir pour faire moins bien… Et puis Joseph m’a proposé un fabuleux numéro de haute école, ma discipline favorite… »

Joseph Bouglione

Plus je monte des spectacles, plus j’ai envie d’en faire !

Joseph Bouglione

Artiste, régisseur, musicien, metteur en scène… Autant de talents qui ont mené Joseph Bouglione tout naturellement à la direction artistique du Cirque d’Hiver, « un lieu inspirant ». Rencontre avec un homme de passion et d’anticipation dont la renommée a franchi les frontières.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile après la réouverture du Cirque d’Hiver ?

En fait, j’étais plutôt confiant quant aux besoins sur le plan artistique. J’ai pu m’appuyer sur mon expérience passée de régisseur acquise dans les différents cirques où j’ai travaillé. Le plus compliqué a été de convaincre le public de revenir. D’un point de vue artistique, le lieu est très inspirant. L’objectif est que le spectacle soit à la hauteur du lieu tout en respectant le budget initial. La première année, le public n’est pas venu nombreux…

Comment se sont déroulées les années suivantes ?

En l’an 2000, notre deuxième spectacle était très bien, plus moderne et plus rythmé – aussi bien que le premier qui était symbolique pour moi. Lorsque nous avons mis en place un troisième spectacle, il était nécessaire qu’il fonctionne et ça n’a pas été le cas. Nous avions investi beaucoup d’argent pour la décoration, refait l’orchestre, recréé des costumes, etc. Et puis, en 2001, les attentats du 11 septembre ont impacté le milieu événementiel et le monde.

Arrive l’année 2002, avec un nouveau spectacle intitulé « Le cirque », en hommage aux 150 ans du Cirque d’Hiver et l’enregistrement de « Vivement dimanche ». L’émission de Michel Drucker et son invité d’honneur, Michel Serrault, a été un véritable tremplin pour nous.

Parallèlement, je travaillais aux Folies Bergères le soir et j’étais professeur à la Star Academy l’après-midi (promotion de Grégory Lemarchal) ! Le fait de passer à la télé apportait une visibilité supplémentaire non négligeable. Avec les attachés de presse et Kamel Ouali, j’avais organisé le bus de la Star’Ac : tous les élèves sont venus au Cirque d’Hiver assister au spectacle, puis ils ont réalisé un numéro que j’avais monté. Notre exposition s’est davantage développée.

Vous avez acquis une solide expérience à l’étranger…

J’ai travaillé en Allemagne à partir de 1989. D’abord en tant qu’artiste puis en tant que régisseur en 1995. J’y suis resté jusqu’en 2001. Le spectacle était monté par le directeur avec lequel je collaborais étroitement. Ce dernier me laissait reprendre ses missions car il m’appréciait. Par la suite, j’ai continué à travailler avec lui en Allemagne.

Mon expérience américaine s’est déroulée à New York au Flip Circus et à Houston au Cirque Vasquez. Cela fait une dizaine d’années maintenant que j’assure la direction artistique de ces spectacles aux États-Unis.

En outre, j’ai, pendant 18 ans, monté le spectacle d’hiver d’Europa-Park. Une mission qui s’est terminée il y a un an. Depuis 3 ans, je monte un spectacle de A à Z à la H Arena de Nantes. Cela fait plusieurs années que j’organise les spectacles du cirque de Noël au Bois de Boulogne. Cet hiver, j’ai signé un contrat avec le plus grand cirque de Noël d’Allemagne, à Stuttgart.

Travailler à l’étranger, varier les missions… Est-ce nécessaire pour se renouveler et trouver l’inspiration ?

J’aime profondément mon métier, je l’exerce avec le cœur. Lorsque l’on me propose un projet, j’arrive à avoir rapidement une vision de ce qu’il est possible de faire. Pour moi, c’est important de travailler vite et bien afin de ne pas pousser les répétitions jusque tard dans la nuit et de respecter les autres corps de métiers. Pour avoir une bonne qualité de travail, le tout est de garder son calme, de rester cool et zen. Ainsi, j’anticipe le plus possible la mise en place du spectacle pour que tout se passe dans les meilleures conditions. Cela demande une bonne préparation en amont. Et il faut toujours avoir un plan B !

Pourquoi accepter autant de spectacles ?

C’est vrai que j’ai un rythme soutenu ! En décembre, par exemple, j’enchaîne trois spectacles à Stuttgart, Nantes puis Francfort. J’aime ce que je fais et plus je monte des spectacles, plus j’ai envie d’en faire ! Je commence d’ailleurs à réfléchir aux spectacles de 2025 et 2026.

Toute l’expérience acquise à l’étranger vous est bénéfique pour le Cirque d’Hiver ?

Travailler avec les différents corps de métier, comme ça m’est arrivé à l’étranger et en France, est un plus, cela me permet d’acquérir certaines connaissances qui s’avèrent très utiles ! Le fait d’avoir commencé tôt avec mon père me confère une certaine légitimité ; je l’ai appris, je l’ai vécu et je sais de quoi je parle. Cela me sert au quotidien et me permet d’anticiper de nombreuses actions.

Y a-t-il des choses que vous ne savez pas faire ?

Il y en a plein ! Au cirque, on touche un peu à tout, mais ce n’est pas pour cela que l’on devient un expert dans toutes les disciplines. Ce qui ne m’enchante guère, c’est vraiment la partie administrative, les papiers à remplir… mais je m’y intéresse et suis de près ce qu’il se passe. Ça me permet de me tenir au courant et d’éviter le plus d’imprévus.

Être artiste, c’est un avantage pour être un bon directeur artistique ?

« Je ne le pense pas. Je connais de nombreux directeurs artistiques qui sont excellents sans avoir été artistes. L’avantage que me procure mon expérience en tant qu’artiste est la façon de m’adresser à eux ; je sais comment leur parler pour atteindre mon but, artistiquement parlant. C’est uniquement cela qui peut faire la différence. Mais il y a des directeurs artistiques qui savent très bien parler aux artistes également. Il faut savoir s’entourer de personnes qui ont des compétences que l’on n’a pas. C’est très important. J’ai la chance ici de travailler avec une super équipe. C’est grâce à cela que nous pouvons monter un spectacle comme celui-là en 6 jours !

Sandrine et Thierry

Nous nous sommes produits à l’étranger pendant 25 ans !

Sandrine et Thierry Bouglione

Sandrine et Thierry Bouglione ont largement contribué à faire rayonner leur illustre famille à travers le monde. Ces artistes évoquent leurs débuts, leur passion du cirque et leur incroyable expérience à l’étranger pendant un quart de siècle.

Vous êtes vraiment des enfants de la balle !

Sandrine Bouglione : Nos parents nous ont toujours habitués à travailler, dès notre plus jeune âge. Nous avons fait la même chose avec nos enfants… qui feront de même avec les leurs…

Thierry Bouglione : Nous avons commencé à 16 ans !

Vous aviez, à un moment donné, le désir de vous produire à l’étranger ?

S. B. : Au début, nous souhaitions partir afin de connaître autre chose que le cirque. Nous sommes donc allés nous produire dans des cabarets.

T. B. : Nous sommes partis à 25 ans. Lorsque l’on travaille à domicile, on a forcément des œillères. C’est-à-dire que l’on voit ce que l’on a l’habitude de voir. Alors qu’ailleurs, il y a du mieux et du moins bien, mais ce qui est certain, c’est que l’on apprend des choses nouvelles. Nous avions un avantage : nous connaissions les deux aspects de notre métier : la direction et l’artistique. Partout où nous allions, ces connaissances nous ont été précieuses ; nous avions les codes. C’est pour cela que nous sommes restés dans les maisons qui nous engageaient.

Le cirque ne vous manquait pas ?

SB : Nous avons alterné. Nous nous sommes produits au cirque chez Krone mais aussi en Italie… Quand nous avons eu la proposition du prestigieux cirque Krone de Munich, nous ne voulions pas décliner car cela ne se faisait pas. Nous avons donc demandé un prix élevé pour que ce soit eux qui refusent. Mais ils ont accepté !

TB : Le problème, c’est que numéro nécessitait que le sol du cirque soit entièrement refait pour y installer notre matériel. Et ils ont accédé à notre requête ! Ils nous voulaient vraiment. Nous avons alors tenté l’aventure et ça a marché. En général, le meilleur numéro est toujours avant l’entracte. Au premier spectacle, nous étions en deuxième position, ce qui nous allait très bien. Puis la directrice a voulu nous programmer avant l’entracte, le message était clair. Et après, elle nous a demandé d’être au milieu de la piste avec les artistes tout autour. Les autres n’étaient pas ravis !

SB : Nous avions un tel succès. Nous sommes restés environ 25 ans à l’étranger.

Dont une grande partie en Allemagne ?

T.B. : Oui, là-bas, quand les spectateurs apprécient le spectacle, ils crient « encore ». Le public est incroyable, les gens viennent pour s’amuser et sont démonstratifs.

S.B. : Nous sommes restés 15 ans au Tiger Palace, un cabaret à Francfort assez select. Une institution dans le pays. Partout où nous nous sommes produits, il nous est arrivé la même chose : nous partions pour un mois et nous restions finalement beaucoup plus longtemps.

T.B. : D’abord, notre numéro plaisait. Puis, une fois que nous étions engagés et que les producteurs commençaient à nous connaître, ils découvraient notre façon de travailler. Et ils décidaient de nous garder.

Un retour en France était inévitable ?

S.B. : Nous savions que nous reviendrions. Mais nous étions presque trop jeunes pour venir au Cirque d’Hiver. Il y avait encore les anciennes générations avec mon grand-père et mon père, tout le monde avait sa place. Avec mes cousins, nous faisions partie des plus jeunes et nous sommes tous partis. Vers le début des années 2000, je savais que la santé de mon père était plus délicate. Il était évident pour nous de rester à ses côtés.

La boucle est alors bouclée entre l’ancienne et la nouvelle génération…

S.B. : Nous étions les Bouglione juniors et nous ne le sommes plus aujourd’hui !

T.B. : C’est l’un des rares métiers où l’on commence très jeune et où l’on peut terminer très vieux. La seule chose, c’est que l’on change de poste au fur et à mesure que l’on vieillit. Jeunes, nous faisions de l’acrobatie puis nous avons commencé avec les chevaux. Sandrine a présenté des phoques, des otaries, des chiens… Nous avons fait du jonglage, j’ai présenté le spectacle une journée et cela a duré 10 ans !

Et le rêve américain ?

S.B. : A l’époque, nous travaillions au Paradis latin avec nos tigres. Un jour, le directeur vient nous voir et nous propose d’être les vedettes de son prochain spectacle en Amérique. Il pose une seule condition : signer un contrat pour Thierry et moi, sans nos animaux. Cela faisait six mois que nous avions les tigres, reçus en cadeau de mariage, nous ne pouvions pas les abandonner du jour au lendemain. C’était une belle proposition que nous avons… déclinée. Quand nous l’avons annoncé au directeur, il nous a dit que nous allions le regretter. Je ne l’ai jamais revu pour lui dire qu’il s’était trompé ! Nous ne l’avons jamais regretté une seconde.

T.B. : A cette période, nous n’avions pas de plan de carrière. Nous prenions les propositions qui nous amusaient.


Mon meilleur souvenir

Souvenirs, souvenirs…

Ils se prénomment Sandrine, Thierry, Régina, Odette, Joseph, Louis-Sampion, Francesco, Nicolas… Ils appartiennent à une dynastie prestigieuse de circassiens. Chaque membre de la famille Bouglione a, comme l’écrit le poète Baudelaire, plus de souvenirs que s’il avait mille ans. Mais s’il fallait n’en retenir qu’un seul ?

Sandrine et Thierry

Sandrine et Thierry

Sans hésitation aucune, notre mariage en 1984 ! Il ne nous serait jamais venu à l’idée de célébrer notre union ailleurs que sur la piste du Cirque d’Hiver. Pour nous, c’est la plus belle salle de Paris !

Nous parlons d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, d’une époque révolue. L’un de nos cadeaux de mariage plutôt atypique -deux bébés tigres- a fait basculer nos vies d’artistes. Nous nous produisions, à cette époque, en tant que magiciens. Que faire sinon les intégrer aux numéros que nous proposions sur la piste. Après être passés à la mairie puis à l’église, nous avons fait un deuxième mariage, en quelque sorte. C’est Sergio, M. Loyal, qui a procédé à la cérémonie. Nous avions convié 500 personnes à un dîner assis ; l’orchestre du Cirque d’Hiver nous a accompagnés pendant le bal costumé qui était donné. Pas besoin de déguisements pour nous ! Nous sommes restés habillés en mariés.

Francesco

Bien sûr, je pourrais citer 1999, l’année de la reprise des spectacles au Cirque d’Hiver ! Nous, les jeunes, avions eu une longue discussion avec mon père et mon oncle Émilien, les patriarches. Cela paraissait une évidence pour nous tous, mais pas pour le public qui nous avait un peu oubliés. Il faut dire que la concurrence faisait rage à l’époque. Cela aurait pu être un coup d’essai, mais la magie a opéré… A titre plus personnel, un souvenir fort me submerge quand je repense à mon père, Sampion Bouglione. Je l’entends encore répéter inlassablement : « Au cirque, il n’y a pas de vedette ! ». Et, pourtant, un jour, il a vécu un grand moment ! Non seulement, il a été fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres -distinction dont j’ai moi-même été honoré-, mais Jack Lang, ministre de la Culture, lui a épinglé l’insigne de chevalier de la Légion d’honneur le 7 février 1990, ici, « chez lui », autrement dit au Cirque d’Hiver. Vous vous rendez compte de ce que cela signifie pour des saltimbanques qui n’ont pas beaucoup fréquenté l’école ! Cela a été, pour lui, une reconnaissance. Et pour moi, une grande fierté.

Sampion et Francesco

Nicolas

Difficile de choisir un seul souvenir ! Notre vie et notre passion sont indissociables. Des moments forts, il y en a eu tellement ! En 2015, j’ai vécu la reprise des tournées Bouglione comme un plaisir ! Sillonner la France, c’est notre vrai métier. Et pourtant, ce n’est pas facile. Il faut préparer les 22 convois pendant 9 mois et compter avec les intempéries, les imprévus, les pannes des véhicules… Repartir sur les routes après une interruption de 30 années, quel défi ! Je me souviens que de vrais fans de cirque avaient la gentillesse de nous attendre vers les 5 h du matin, qu’il vente ou qu’il pleuve, pour nous accueillir à notre arrivée et assister à notre installation. Certains nous suivaient de ville en ville, enthousiastes et fidèles. Ils nous encourageaient, nous félicitaient, prenaient des photos, nous posaient des questions. Un bonheur intense qui a duré 3 ans. Si cette époque est révolue, je mesure tout de même la chance que nous avons eue de concrétiser ce projet familial commun !

Joseph

Mon meilleur souvenir, c’est quand la décision a été prise – à ma plus grande surprise et à la plus grande joie-, de reprendre les spectacles. Il faut bien dire que l’arrêt avait été brutal. Un vrai choc pour nous tous. Cette reprise a été pour moi l’occasion de me révéler et de m’engager à fond. Avec en tête un sacré challenge, presque une obsession : faire revenir le public. Il a fallu repenser les spectacles, mais surtout remettre le Cirque d’Hiver au goût du jour. C’était devenu une salle de spectacle ; elle avait vu défiler des centaines de productions qui avaient fatalement transformé les lieux. Beaucoup de choses devaient être remises en état. Des travaux s’imposaient. Tout ou presque était à refaire : le velours des rideaux, les pupitres des musiciens, la piste qui avait été recouverte par un plancher, etc. 150 costumes à créer ! Ceux qui restaient dataient des années 80 ; ils étaient complètement has been. Il a fallu aller très vite car cette concertation familiale s’est faite à l’automne 1998 et nous avons présenté notre premier spectacle en octobre 1999 !

Joseph
Régina

Régina

Il y a tant de souvenirs… Si je devais n’en mentionner qu’un, ce serait le jour, le 1er décembre 2000, où mon frère Joseph m’a sollicitée pour travailler sur la piste familiale. Les spectacles au Cirque d’Hiver avaient déjà repris. Moi, je revenais des États-Unis ; j’avais travaillé pendant deux ans avec un numéro d’arbalète au Cirque Ringling. Là-bas, c’était le top ! Je ne voulais pas faire moins bien qu’aux USA. En tant qu’artiste, j’avais été très gâtée et je ne savais pas si j’allais continuer. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire de plus ! Je songeais à mettre un terme à ma carrière. Pour finir en beauté. J’aurais eu plaisir à travailler au Bar de l’Impératrice, m’occuper des costumes… Mais Joseph avait tout prévu : « Pour la saison 2001, tu vas présenter un numéro de haute école. Je t’ai trouvé un cheval et un prof ! ». J’ai répété… Je me suis entraînée. Ensuite, il y a eu le spectacle Rires, en 2015. Depuis cette année-là, je n’étais pas remontée à cheval ! Croyez-moi, c’est difficile de débuter dans une discipline très subtile qu’on ne maîtrise pas. Surtout au Cirque d’hiver dont l’exigence n’est pas une légende !

Louis Sampion

Mon meilleur souvenir ? Il est à venir ! Tant de choses merveilleuses et surprenantes restent à vivre ici. Mais je dois bien avouer qu’en 1999, il s’est produit quelque chose de magique : la réouverture du Cirque d’Hiver avec le spectacle Salto. Nous avions arrêté en 1985. À l’époque, j’avais 19 ans ; je travaillais avec les chevaux et je présentais un numéro de force avec mes sœurs Régina et Odette. Nous sommes tous aller travailler ailleurs. Dans d’autres cirques. Dans d’autres pays. Tous les artistes ont envie de travailler mais avoir du talent ne suffit pas. La prouesse, c’était de trouver des engagements ! Alors, rien que d’entendre la musique de La Piste aux Étoiles résonner à nouveau dans le Cirque d’Hiver m’a procuré une joie immense. Pour nous, la jeune génération -nous ne sommes plus si jeunes !, c’était un signe de renaissance. Un drôle de pari… gagné ! Si nous l’avions perdu, qui sait si la dynastie Bouglione ne serait pas tombée aux oubliettes !

Louis Sampion
Odette

Odette

Je suis pratiquement certaine que tous les membres de notre famille vont mentionner la date de la reprise des spectacles circassiens au Cirque d’Hiver. Et à juste titre. C’était un événement ! Une renaissance. Mais, pour moi, en tant que maman, je garde le souvenir de mes deux fils, Alessandro et Valentino, entrant ensemble pour la première fois sur la piste. C’était pour le spectacle Festif. Il y avait leurs cousins Dimitri et Victoria dans ce numéro. Alessandro et Valentino avaient respectivement 4 et 10 ans. Je revois mes garçons habillés en gitans ; ce sont nos racines ! C’était tellement mignon ! À la fois magique et émouvant. Cela m’a permis de voir le caractère de chacun s’affirmer sur la piste. Et puis, il y a un souvenir qui se crée chaque saison : quand l’orchestre joue les premières notes de la musique de La Piste aux Étoiles. Tous les Bouglione sont émus et ressentent ce petit pincement au cœur…


Plus tard, je serai

Le cirque, c’est leur destin !

À l’âge où les vocations se dessinent, tous les enfants du monde ont un jour formulé leurs vœux ainsi : « Plus tard, quand je serai grand, je serai… » La dernière génération des Bouglione ne déroge pas à la règle. Et, sans surprise, nous avons constaté que les jeunes avaient la passion du cirque dans les veines !

Anastacia, 14 ans

Quand j’étais petite et que l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais « avocate ou artiste ». Typiquement des réponses d’enfant ! Aujourd’hui, je sais que la piste, ce n’est pas mon truc. Dans mon enfance, j’ai suivi beaucoup d’entraînements de natation. Ma mère, Irina, est artiste mais elle a fait de la natation synchronisée. J’ai compris que ce n’était pas fait pour moi. Alors, je me suis éloignée du sport pour me concentrer sur mon désir de travailler dans la communication, le journalisme. D’ailleurs, je suis ma scolarité en Belgique dans une école qui me prépare à un Bac international et j’ai déjà accès à des options. Parmi elles, il y a Art et Journalisme !  Allier mon amour du cirque et le métier que j’aimerais exercer serait parfait ! Le cirque, c’est ma famille, ma destinée.

Anastacia
Angelina

Angelina, 13 ans

Comme mon cousin Juliano, je suis inscrite au Collège Rognoni. Je travaille bien à l’école mais je consacre pas mal de temps à des disciplines artistiques : trois heures de cours de danse hebdomadaires, musculation, exercices d’échauffement, souplesse pour entretenir une bonne condition physique. On demande souvent aux enfants du cirque si leurs parents les obligent à rester dans le milieu. Les miens accompagnent nos envies. Peu importe ce que mon petit frère et moi, nous déciderons de faire plus tard ! Moi, je ne ferme pas la porte à d’autres métiers… Bien sûr, le cirque fait partie de ma vie, mais le principal, c’est de s’amuser, de se faire plaisir ! Il y a deux ans, j’ai eu le coup de foudre pour le numéro de Zoré España qui se produisait au Cirque d’Hiver. J’ai découvert la roue Cyr avec cette artiste. J’en ai parlé à mes parents qui m’ont procuré une roue, trouvé un prof pour m’initier à la discipline. À la maison, on a le droit de jouer aux jeux vidéo, 30 minutes/jour quand il n’y a pas école. Et puis, j’aime aussi beaucoup le dessin et peindre des aquarelles…

Sampion-Anton, dit « Petit Sampion », 12 ans

Pour les métiers « normaux », quand j’étais tout petit, j’ai d’abord pensé être dentiste puis footballeur, cuisinier ou pâtissier. Je n’aime pas forcement le sport, mais le football, si. Je m’entraîne dans deux clubs différents. Je ne suis ni trop nul ni trop fort. Mais il n’y a pas que le foot dans la vie. Y a le trampoline ! Pendant le confinement, j’en ai fait beaucoup à la maison. J’aime exécuter plein de figures au Trampoline Parc car il y a de la mousse et on ne se fait jamais mal. Comme ma mère est acrobate, ça m’intéresse aussi. Elle me fait beaucoup répéter parce que le cirque, ça fait partie de ma vie. J’ai deux autres passions : la cuisine et la pâtisserie. Depuis tout petit, je fais des plats et des desserts. Le bortsch avec Sandrine, ma grand-mère paternelle, et des gâteaux ou des pirojkis avec ma grand-mère maternelle, Margarita. Elle était trapéziste et elle est célèbre pour son quadruple saut arrière. Souvent, je lui téléphone en Russie et on fait les recettes ensemble.

Sampion Anton et Leone
Juliano

Juliano, 12 ans

Après avoir fait du théâtre pendant deux ans, j’ai arrêté ; ce n’était pas mon truc. J’aime le sport, surtout le foot, la musique, évidemment et, dans les matières générales enseignées à l’école, l’anglais. Quand j’étais petit, je ne savais pas trop quoi choisir entre toutes les activités qui me plaisaient pour en faire mon métier plus tard. Ça me traverse toujours l’esprit de faire du foot, peut-être en tant que prof. D’ailleurs, j’ai fait découvrir ce sport à mon cousin Louis. Mais ma priorité, c’est la batterie. J’en joue depuis l’âge de trois ans. Au début, la batteuse du Cirque d’Hiver m’a expliqué comment jouer et mon père, musicien, me donne des conseils, particulièrement sur le tempo. J’accumule de l’expérience et je fais de mon mieux car je me verrais bien monter mon propre groupe. La plupart de mes copains font de la musique et on participe à plein de spectacles. J’espère avoir le niveau pour faire partie de celui du Paradis latin en fin d’année ; ce serait un honneur !

Louis, 10 ans

Cette année, j’entre en CM2 ! C’est bizarre, je n’aime pas beaucoup l’école et pourtant, je travaille bien. En fait, je ne suis pas content quand j’ai de mauvaises notes ! Je ne sais pas encore ce que je vais faire plus tard, mais on verra ; pour l’instant je suis encore petit pour choisir et il y a tellement de trucs qui m’intéressent. Je suis très curieux. Mes parents m’ont proposé de commencer les répétitions de gym et d’acrobatie. Et je vais faire de la basse aussi. Il faut dire que mon oncle, le frère de maman, est bassiste et c’est lui qui va me donner des cours deux heures par semaine ! Mon grand-père maternel est musicien. J’adore le cinéma. Nous regardons beaucoup de films en famille. Soit à la maison, soit dans les salles. Je suis inscrit à des cours de cinéma qui vont me faire découvrir les coulisses. J’aime bien voir l’envers du décor ! Sinon, je lis beaucoup, et pas que des mangas ! Plus tard, j’aimerais bien aller à l’École des enfants du spectacle et Collège Rognoni, comme mon cousin Juliano. C’est pour ça que je travaille bien dans toutes les matières : je voudrais que mon dossier soit accepté !

Louis
Vito et Gina (dans les bras de Anastacia)

Vito, 3 ans et sa sœur Gina, 1 an

Ces deux-là s’entendent comme larrons en foire… surtout sur les plateaux face aux objectifs ou à la caméra ! Leur maman, Alexia Bouglione, les a mis en agence pour des shootings pub essentiellement. « Je connais bien ce milieu pour avoir été mannequin, entre autres, et je vois que ça les amuse. Chez eux, tous les gestes et réactions sont naturels. Ils ont le sens du contact, vont facilement vers les autres et sont toujours souriants. C’est dans leur caractère. Et puis, s’ils n’ont pas envie, pas question de les forcer ! Vito est en pleine période camions de pompier, remorques, chantiers, etc. Je crois qu’il viendra saluer au final cette année, car il aime assister aux répétitions même sans lumières et sans costumes ; il adore regarder Victoria et Natalia travailler. Quant à Gina, elle marche et danse avec beaucoup de grâce. Plus tard, j’aimerais surtout qu’ils fassent ce qu’ils aiment. Ils choisiront. »